Les hommes sont ingrats, mais la nature sait se montrer généreuse avec ceux qui l’aiment… Depuis que les habitants de notre beau pays se sont réunis autour d’un clocher pour former un village, il s’est établi, presque naturellement, une hiérarchie. D’abord intellectuelle, elle imposait la trilogie du maire, du curé et de l’instituteur. Venait ensuite ceux pour qui il fallait avoir du respect, ce qui, à la campagne, place en tête le vétérinaire, puis le médecin, le notaire, les propriétaires terriens et tous les autres chefs d’entreprises, artisans et commerçants. Pour fermer le ban, il restait les besogneux, discrets par obédience, sobres par obligation et pieux par nécessité. La nourriture divine était largement distribuée et à défaut de remplir les estomacs, elle comblait d’aise les bigotes et les bigots, lesquels se reproduisaient entre eux, dans un espace délimité par la vitesse de déplacement d’un cheval de trait, ce qui, ramené au vélo qui commençait à encombrer les routes empierrées, laissait un peu plus de temps pour découvrir les choses de la vie. C’est dire que les plus hardis allaient jusqu’au village voisin, tandis que les autres sévissaient localement. Le brassage génétique était donc limité, et donnait naissance à quelques cas originaux mais pas dépourvus d’intérêt. Les « psys » d’aujourd’hui tentent de les analyser, avec bien entendu toutes les réserves d’usages, puisque, comme vous et moi, ils en sont issus. Dans ce milieu authentique, que nous situerons, pour ne froisser personne, entre nord et sud et au centre d’un axe est/ouest, naquit un jour, dans le hameau de X…, un petit garçon, aussi rouquin que son père et sa mère ne l’étaient pas. Ils le prénommèrent Félix, comme son grand-père maternel, avec Cornélius et Isidore en deuxième et troisième prénoms. Déjà chargé de ce lourd handicap, Félix fréquenta l’école jusqu’à ses quatorze ans révolus…
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