Nord-est de la France, dans une de ces régions où les forts sont encore le témoignage d’un passé guerrier… Nous sommes dans les années 1950. A cette époque, la plupart des chiens s’appelaient Médor, Black ou Nénesse, petit nom dont on ne sait toujours pas s’il s’agit du diminutif d’Ernest ou d’un véritable patronyme inventé entre deux aboiements. Toujours est-il que, ce soir-là, un dimanche de fermeture générale de la chasse, qui se situait à l’époque vers la mi-janvier, Pierre rappelait son chien. Régulièrement, de longs coups de pibole fendaient la nuit, allaient s’écraser contre la lisière du bois avant de revenir en un écho modulé, que les nuages bas et menaçant de neige transformaient en une longue plainte. Et le temps passait permettant au jour de disparaître au profit d’une longue nuit qui allait prendre sa place. Puis, comme dans un mirage, tout s’effaça soudain. Le vent qui terrassait les sons s’était calmé, les bruits familiers du village s’étaient soudainement faits discrets. Ne restait que cette lointaine lamentation qui semblait venir du fort de D…, distant d’un bon kilomètre.
Par Hubert Buiron