Pendant la dernière guerre, la chasse était interdite. Mais, malgré un braconnage aussi dangereux qu’intensif, les sangliers pullulaient… En trouvant à la libération la table mise, les chasseurs, complètement irresponsables, ont réglé le problème de la surpopulation en quinze ans. C’était l’époque où l’on affirmait haut et fort que les grandes migrations de sangliers arrivaient chaque année des pays de l’Est et qu’il n’y avait qu’à se servir quand ils étaient de passage.
Tirant sur leurs bretelles, bedaine en avant, les plus grands connaisseurs affirmaient même doctement au bistrot du village, que ces mouvements migratoires étaient suivis par des « gens, probableu...ment des savants » en hélicoptère. En rupture avec les traditions d’avant-guerre, c’est en jeep, Dodge et autres GMC que les chasseurs pénétraient maintenant les grands massifs forestiers pour « débarder » leur gibier. En Argonne précisément, pays de toutes les passions, on pendulait même les sangliers selon une méthode hautement scientifique. La technique, fort simple au demeurant, est encore utilisée aujourd’hui, dans le secret de certaines baraques de chasse et ne fait rire personne. On se rassemble autour de la carte du massif, que le gourou du coin, appelons-le... Bernard, parcourt de son pendule. Si l’objet de sorcier bouge, il trahit la présence des sangliers, dont on peut même estimer le nombre en fonction de l’excitation de l’instrument. Surtout, pas de deuxième passage qui ferait fuir les animaux, trop magnétisés ! Lors de la chasse du lendemain, deux hypothèses sont alors possibles, toujours très scientifiques : la première est que l’on rencontre des sangliers, et le gourou est alors encensé, la seconde est que l’on fasse buisson creux et on cherche alors le « foutu salopard » qui a fait fuir les sangliers en les pendulant une fois de trop. Il ne viendrait à l’esprit de personne de douter un instant de l’efficacité de l’outil.
Côté Loisirs, Les Récits...

Le père Alphonse, un typique septuagénaire de l'époque, casquette vissée, même pendant les repas, sur un crâne dégarni, longues bacchantes grises encadrant une bouche édentée, était encore un solide gaillard aux muscles noueux, hérités de sa jeunesse de bûcheron ardennais pure souche. Donc, ce jour-là, et c’était la façon la plus efficace de subvenir aux besoins alimentaires de la famille, il se rendait sur son petit lopin de terre, quelques ares et des poussières récupérées sur les friches voisines, consacrés à la précieuse denrée, rare en cette période de conflit armé. Et comme tout le monde le sait, un Ardennais sans patates, c'est l'Ardenne sans sangliers. La récolte promettait d’être satisfaisante sur cette terre généreuse, fumée et labourée avec l’aide du cheval du fermier voisin, que ce dernier prêtait en échange de quelques petits travaux d'entretien. Il est vrai que le père Alphonse avait terminé sa vie active dans la mécanique, oh ! pas celle de précision, mais dans la grosse mécanique, celle de la masse, du marteau et autres engins de torture du métal. Il faut dire aussi qu’il cultivait, en plus et à la bêche, deux verges de potager attenant à sa maison et au champ. Ainsi, depuis plusieurs saisons, le père Alphonse vivotait du petit commerce de sa production de légumes, pommes et lapins vendus au marché (quelquefois noir) et transportés sur sa vieille brouette ou sur sa remorque de bicyclette. Il suffisait, pour l'exercice de ce modeste commerce, de régler un modique ticket au placier municipal, car on n'exigeait pas alors une patente pour une activité aussi naturelle.
Il chargea d’une façon fort méthodique sa bicyclette, pour rejoindre le chantier qui était à une petite dizaine de kilomètres de son domicile. Sur le guidon, la musette qui contenait la subsistance de la journée trouva sa place, et, fixé le long du cadre de la machine, le passe-partout, dents dirigées vers le bas, frôlait dangereusement le caoutchouc craquelé du pneu avant, tandis que sur le porte bagage arrière, la hache, la masse, la scie à main et les coins étaient soigneusement attachés à l’aide de ficelles. Une bonne heure de route pour franchir la distance était nécessaire, car les montées étaient gravies à pied, le déséquilibre de la charge pouvant nuire à celui de la machine à faible vitesse. Arrivé sur les lieux, son premier travail consistait à allumer le feu qui le réchaufferait et cuirait la maigre pitance du repas de midi : quelques pommes de terre, une tranche de lard qu’accompagnait un morceau de pain noir et deux pommes. Deux gourdes contenaient la boisson de la journée, l’une remplie d’eau et l’autre de « piquette », cet ersatz de vin fait d’ajout de sucre et d’eau dans les marcs, après extraction des premiers jus. Occupé à ramasser quelques brindilles de bois sec, Marcel entendit sur la place à feu de la semaine précédente un petit gémissement. Intrigué et inquiet en ces temps troubles, il regarda vers l’endroit d’où venait ce bruit, ne vit rien et se remit à sa quête de bois mort. De nouveau, plus aigu, un autre gémissement se fit entendre. S’approchant alors précautionneusement, il aperçut dans les cendres une petite boule de poils. Il ne sut jamais par quel malencontreux hasard une laie avait laissé là un marcassin d’un jour ou deux.
Il y a exactement 118 ans, dans son édition du 23 décembre 1906, « Le Petit Journal » relatait une partie de chasse particulièrement mouvementée, qui laissa, près d’Arroncheo, au Portugal, quelques morts sur le terrain et de nombreux blessés. Ce jour-là, les valets de limiers avaient détourné une énorme compagnie de plusieurs dizaines de sangliers, trente à quarante selon certains, près d’un cent selon les autres. Laies en chaleur et mâles en rut se sentant pris en tenaille par les chiens et les chasseurs, ne sachant plus par quel côté ils pouvaient fuir, ont fait face. Dans les violents heurts qui suivirent, les meilleurs chiens subirent les charges mortelles des bêtes noires, et, en deux minutes, seize chiens, parmi les meilleurs de la meute, furent tués sur place, alors qu’une vingtaine d’autres, horriblement décousus, fuyaient le champ de bataille, cuisses, gorges et flancs ouverts. Au milieu de la mêlée, le Roi du Portugal et le prince héritier, accompagnés du marquis de Ferra et du comte de Molina, subissaient aussi les assauts des sangliers. Les chevaux de ces derniers prirent peur, jetant à terre leurs cavaliers. Le premier se fractura l’épaule dans sa chute, quant au second, il fut traîné, le pied coincé dans l’étrier sur plus de cent mètres. Il s’en tira avec de très sérieuses contusions, griffures au visage, épaule démise et entorse à la cheville. Mais la plus honorable victime de la journée fut le roi Carlos lui-même, qui vit son cheval périr entre ses jambes, atrocement éventré par un grand vieux sanglier, « plus haut qu’un âne » ont raconté les témoins…
Ma réponse invoqua le besoin de prendre l'air et de sortir les chiens, ce qui fera du bien aux uns et aux autres. Franchissant le pas de la porte, ma douce moitié m'invite alors à être prudent et surtout à ne rien ramener… Je la rassure en lui rappelant que la veille, des chasseurs sont venus faire tout le coin et il n'y a guère de chances pour que sangliers et chevreuils soient restés dans les parages. Un peu nonchalant à la suite d’une nuit un peu courte en raison du réveillon, me voilà parti largement précédé par mes deux chiennes qui ne savent rien de Noël mais pour qui, cette sortie est un cadeau. Ici dans notre montagne cévenole, il ne sert à rien de se presser car la montagne ne s'en ira pas, et à cette heure avancée de la matinée, le gibier est maintenant remisé depuis un bon moment. Tout ceci sous-entend que, pour rencontrer des animaux sur pied, c'est raté. Après avoir gravi un dénivelé d'une centaine de mètres, j'arrive à la place du hameau où plus personne n'habite depuis longtemps, mais où des taches de sang et les reliefs d'un pique-nique moderne jonchent le sol. C'était donc ça, hier ils ont fait « Castagno » et sont tombés sur les sangliers. Cette destination située à quelques centaines de mètres au-dessus des dernières ruines du village, avait pourtant ma faveur. Les chiennes, Cachou la teckel et Chipie la drahthaar, c'est un peu double Patte et Patachon, sont très affairées à examiner consciencieusement les emballages plastiques, au cas où une couenne de lard aurait été oubliée. Elles ne font point cas des traces de sang qui maculent le sol. Pourtant moi, si j'étais chien…
Il y a, chez les chiens, des sujets d’exception. Et chez les hommes ? L’histoire aurait pu commencer comme toutes les histoires du monde, mais il n’en est rien. On ne sait plus s’il faisait chaud le jour de sa naissance, mais Rodrigue, aux dires de sa mère quelques minutes après l’accouchement, faisait déjà la pluie… et des mécontents. Dernier né de l’une des filles de la villa « Esperanza », une maison fort accueillante, Rodrigue avait déjà deux frères et une sœur que sa jeune maman ne voyait que de temps en temps, car les enfants lui avaient été tous retirés de sa garde maternelle. Qu’importe, ce quatrième, elle l’avait fait dans la rue, devant plusieurs témoins qui, pour la plupart auraient pu être le père. Et c’est avec la plus grande curiosité qu’ils regardaient, sous les trombes d’eau qu’un violent orage laissait choir, la maman tenter de mettre à l’abri le rejeton. Quand, enfin, en guise d’ambulance, le taxi brinquebalant de Pedro, arriva, son conducteur fut, une fois de plus, pris de pitié envers les deux créatures qu’il conduisit, sans aucun espoir de récupérer le prix de sa course, au dispensaire le plus proche, où officiaient quelques religieuses d’origine française. Elles donnèrent les premiers soins au bébé, s’occupèrent quelques jours de la maman, qui regagna son antre, sans autre regard pour le rejeton qu’elle avait mis au monde. Une douzaine d’années plus tard...
Les piqueux, pour les secourir, doivent en approcher avec précaution et lui percer le cœur d’un coup de couteau de chasse, mais cette opération est celle d’un poignet fort et adroit. « Je l’ai faite un jour au grand plaisir de tous les spectateurs, car le sanglier fit un si grand saut en recevant le coup, qu’il s'en fut avec mon couteau et se fit chasser encore un demi-quart d’heure, l’épée plantée dans son côté ». Il se trouve des sangliers dont la vigueur et la méchanceté sont telles, qu'ils peuvent, en pareille occurrence, mettre en danger les veneurs les plus expérimentés. En témoigne l’accident de chasse survenu le 28 avril 1882 à Tosny, commune du canton de Gaillon. Trente-cinq chiens du vautrait de Monsieur Malfilatre, lieutenant de louveterie pour l’arrondissement de Louviers, étaient arrivés la veille au château de Tosny, propriété de M. de Séguin. Des sangliers étaient signalés depuis quelques temps dans les bois dépendant de ce domaine…
« Jacques Philizot, dit le Guerrier, ainsi surnommé pour sa guerre sans fin contre les loups et les sangliers, est resté fidèle à la vénerie. Il y a quelques années, un louvetier était venu faire une battue dans les gorges et fourrés de Montreuillon, qui abritaient des bandes de loups redoutables. Le rendez-vous se trouvait au pont aqueduc qui fait franchir l’Yonne à une rigole d’alimentation du canal du Nivernais. Le piqueur, homme d’un courage à toute épreuve, paria avec un de ses collègues qu’il passerait à cheval sur ce pont. Le pari fut tenu, et bientôt il apparut sur l’aqueduc, à 33 mètres de hauteur, sur un petit trottoir d’un mètre à peine de large, avec une balustrade qui n’avait que 60 centimètres de haut. Le moindre écart, c’était la chute fatale. Or, au milieu du pont, le cheval prit peur. Les spectateurs poussèrent un cri d’épouvante en voyant l’animal se cabrer, mais, maitrisé et calmé aussitôt par son incomparable cavalier, il continua son chemin et atteignit l’autre côté du pont.
Le pari était gagné… Vous raconter la fête qu’on offrit au vaillant piqueur serait trop long. Le héros de l’aventure dit simplement : « Messieurs, j’ai gagné mon pari et j’en suis fier, mais jamais je ne recommencerai. Il n’a tenu qu’à un fil que je le perdisse. Or, autant qu’à la mienne, je tiens à la vie de mon cheval. Elle m’est trop précieuse pour que je l’expose inutilement ». Le cheval, marqué à la cuisse d'un bois de cerf, était le nommé « Autrichien » en rappel de son pays d'origine. Le Guerrier servit ensuite chez M. Philippe Dupin, à Raffigny, qui entretenait une vingtaine de griffons provenant de chez M. Etienne de la Caenche, des chiens très chasseurs et mordants. C’est dans cet équipage que, lors d’une chasse particulièrement animée, il traversa un bras de l'étang de Vaux à la poursuite d'un grand vieux sanglier, qu'il tua raide d'un coup de carabine, sans mettre pied à terre. Après la démonte de ce petit vautrait, il entra comme garde chez M. Guillemain de Talon, où il termina sa carrière…
Antoine, un solide quadragénaire, chasse sur un petit massif forestier de la région Centre. Dans cette belle Sologne si convoitée par bien des chasseurs de l’Hexagone, il habite un joli petit pavillon, décoré avec goût, dans un village d’une centaine d’âmes. Tous les dimanches, pendant la saison de chasse, il se rend au lieu du rendez-vous, distant de six kilomètres, avec son petit 4x4. A ses côtés, sagement assis sur le siège passager, se dresse fièrement Polux, son chien, issu d’un mélange de races locales. Pas très beau, mais doté d’un sens de la chasse que lui envieraient bien de ses congénères de race pure, Polux, est hirsute comme un griffon, quête la bête noire comme un épagneul breton, et mène à voix comme une meute de Saint Hubert. C’est dire qu’il est sacrément gorgé, le bougre, et capable de vous débusquer un sanglier dans n’importe quelle coupe, pourvu qu’on lui laisse le temps de fouiller toutes les remises possibles. Donc de ce côté-là tout va bien…
Il n’est pas si éloigné le temps où des animaux de toutes espèces étaient donnés en prix à des loteries et autres concours qui occupaient, à défaut d’amuser, les participants aux réjouissances populaires, dans les petits pays de la France profonde. C’est ainsi que, début juin 1961, lors de la fête patronale dans un petit village de Bourgogne, les habitants, leurs invités et la jeunesse des environs étaient venus en nombre pour se divertir. Alors que les agapes se prolongeaient autour des tables, les premiers rassasiés se rendaient sur la place du village où avaient été dressés le bal monté, un manège de chevaux de bois pour les petits, et le traditionnel jeu de quilles, objet des affrontements pas toujours très pacifiques des compétiteurs...
Au jour d'aujourd'hui, vous voyez un véhicule de c’genre-là dans une chasse de première catégorie ? Quelle honte ! Mais c'qui y'avait derrière par contre… Carillon et Tambour, deux chiens de pays p't'ête, mais avec eux, on avait la garantie d'une belle journée de chasse à l'ancienne, vous savez, celle où l'on chasse un sanguier qu'on loupe, et qui alimente les causeries de toute la semaine. Avant, on tuait un sanguier, on buvait trois coups. Maintenant on ne tue que trois sanguiers, on boit rin du tout, sauf les piqueux et leurs amis ! Mais ça, c'est une race à part. Tiens, le Pierre et le Gégène y disaient : « nous quand on est assis dans la deudeuche, on a l'cul sur l'armoire à fusils ». C'est vrai qu'c'était ben pratique, les housses tête bêche sous les sièges, jamais fermées les housses. Tiens, un coup, Gégène pour ça aille plus vite pour dégainer, il avait pas déchargé l'fusil, c'qui fait que, quand il l'a retiré de la housse, y'a l'coup qu'est parti dans la portière du Pierre, qu'avait drôlement ben fait de prendre son temps pour stationner la deudeuche. Ça fait cinq ans de ça, et le trou, l’est toujours pas bouché. C'est pas de la négligence qui disait le Pierre, c'est pour faire causer les gens, et ça marche. Chaque région a sa race de chasseurs. Tiens, l’Denis, un Morvandiau, eh ben la cabine de son tracteur, c'est l'armoire à fusils. Un jour, y passe devant chez son copain Lulu, l'fusil à la bretelle. 
« Au mois d’octobre 1833, il s’est passé, près d’Autun, un évènement digne de figurer dans les annales de chasses, tant par la vigueur, la souplesse et le courage du cheval, que par l’habileté, le sang-froid et la hardiesse du cavalier.
Un accident de chasse comme tant d'autres penseront certains…