L’expression « mâle alpha » est aujourd’hui omniprésente dans les discours sur la virilité, la domination et les rapports de pouvoir. Elle semble découler d’une réalité biologique immuable, où un chef de meute imposerait sa supériorité par la force brute. Pourtant, cette idée ne repose pas sur des faits scientifiques solides, mais sur une lecture biaisée des comportements animaux. Retracer l’histoire de ce concept permet de comprendre comment une observation partielle est devenue un mythe culturel influent. L’histoire commence en 1947, lorsque Rudolf Schenkel, comportementaliste animalier suisse, observe une dizaine de loups enfermés dans un enclos du zoo de Bâle. Dans cet espace réduit et artificiel, il constate que certains individus dominent leurs congénères, formant un couple dit « alpha ». Il note aussi que les hiérarchies évoluent selon les tensions internes, ce qui lui fait conclure que la position d’alpha repose sur la capacité à supprimer toute concurrence. Schenkel reconnaît néanmoins qu’à l’état sauvage, une meute est en réalité composée de parents et de leurs jeunes. Mais cette nuance, capitale, est largement ignorée à l’époque. Ses travaux popularisent alors l’idée que les loups vivent dans une société de domination permanente, avec un mâle alpha au sommet. Dans les années 1960, d’autres recherches prolongent cette vision, toujours à partir de loups captifs. Puis, en 1970, le biologiste américain L. David Mech publie « The Wolf: Ecology and Behavior of an Endangered Species ». Cet ouvrage, devenu une référence, consacre le terme « alpha » et diffuse largement l’image d’un chef de meute dominant...
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