Nous avons, le 8 février dernier, partagé la dernière journée de chasse collective de la saison, dans une ambiance unique, moderne, et tout à l’honneur de cette jeune génération de chasseurs, naturalistes, et conscients de l’enjeu capital que représente la forêt en général. Traque-affût oblige, le territoire est constellé d’une petite centaine de miradors, soit environ 1 mirador pour 10 ha, tous codés et géolocalisés à partir du site internet « QGIS » (Qantom geographic information system), et de sa déclinaison sur smartphone « QFIELD ». Sur le terrain, leur accès, à partir des chemins ou limites de parcelles est très clairement fléché. Les miradors sont de battue classique, sans siège pour les 37 chasseurs partenaires, auxquels s’ajoutent quelques invités. Deux enceintes, entre-coupées d’une pause, sont au programme de la journée, une le matin et une l’après-midi. Les zones traquées ont été définies au préalable par le président de l’association, Alexandre Mercier, et communiquées aux chefs de traque, et aux 8 chefs de groupe via le réseau Whatshap. Après le tirage au sort des postes, arrive le temps du briefing de la journée. Alexandre ajoute à son mot d’accueil quelques informations, précisant entre-autre que tout chevreuil tiré sera considéré comme mort, car sur un plan de chasse de 125 têtes, il ne reste qu’une dizaine de bracelets. Les tirs vers les sangliers seront sonnés de 3 coups de corne, taïautés si le résultat est positif ou supposé comme tel. Quelques 65 sangliers ont été tués lors des journées de chasse précédentes, tandis que les 6 grands cervidés attribués ont été facilement et rapidement réalisés. Il ajoute que les trois groupes de rabatteurs partiront en différé, et sont renforcés pour cette journée de fermeture, par une équipe d’étudiants d’Agro-Paris-Tech-Nancy, et par Mme Isabelle Pettazoni, Directrice départementale des Territoires accompagnée de son époux, venus s’imprégner de l’état d’esprit de la traque-affût...

 

Une traque animée

Ludovic Fabre, pour sa part, énonce les consignes relatives à la sécurité, et les critères de tir selon les espèces. Il insiste notamment sur l’impérieuse nécessité de ne pas tirer au-delà de 40 mètres, ce qui impose à chaque chasseur de bien définir sa zone de tir, en tenant compte des repères placés ou repérés à cette distance. Afin de contrôler minutieusement chaque tir, après le coup long taïauté annonçant la fin de battue, tout chasseur ayant tiré doit rester sur son mirador, et attendre son chef de groupe, lequel effectuera le contrôle du tir, et fera appel, si nécessaire, à Clément Bastos, conducteur ARGGB (Association pour la recherche du grand gibier blessé), pour la suite de l’évènement. Les postés rejoignent rapidement leur chef de groupe alors que le dispatching s’effectue selon un ordre qui privilégie en premier lieu le placement sur les zones périphériques, ou de fuite, de l’enceinte chassée. Je suis emmené par Kevin Léonce. Déposé à une intersection de routes forestières, j’ai 200 m à faire avant de rencontrer un fléchage rouge qui me conduit à mon mirador. Un petit train de voiture duquel s’échappent quelques aboiements, arrive peu après. Très vite le petit groupe de traqueurs se met en action. Alors que résonnent déjà quelques coups de carabine, la traque progresse accompagnée de chiens de races diverses, et comme à l’affût, je reste très vigilant, malgré les moments obligés où l’attention se relâche. Nos facultés humaines sont ainsi faites…

 

Chasseur et chasseresse, jusqu’au bout !

Soudain après un coup de feu, trois coups taïautés signalent l’hallali d’un sanglier. Puis la forêt retrouve son silence, parfois interrompu par une menée, un coup de carabine… Près de deux heures vont ainsi passer, avant que la ligne de traque n’arrive sur moi, peu avant de terminer sa mission. Un coup long taäuté met un terme à cette première traque. Je rejoins alors le point de dépose, où Kevin me reprendra quelque temps après. De retour au rendez-vous de chasse, les équipes se retrouvent, d’une manière étalée selon les impératifs que chacune d’entre elles, a pu rencontrer. Ramassage des carcasses, contrôle des tirs, et au final, pour 12 balles tirées, 5 chevreuils et 3 sangliers figurent au tableau. Pris en charge par les tireurs, les animaux sont tout de suite éviscérés sur un chevalet. Les déchets seront rassemblés dans une fosse et traités à la chaux vive. De son côté, Chloé Donzé s’affaire pour enregistrer les diverses données récoltées sur les animaux (n° de bracelet, sexe, âge, poids vidé, longueur de la patte arrière) et prélève les ovaires des chevrettes pour en déterminer le nombre de corps jaunes, lequel servira à suivre l’évolution du taux de fécondité. A la prise du lot de chasse, il était de 1,45, et l’an dernier de 1,65, signe que les forts prélèvements sont en train de porter leur fruit. Cette pause entre deux battues est aussi l’occasion de partager une petite collation sans alcool, très conviviale, où chacun et chacune partage les émotions vécues de la matinée.

 

La deuxième partie de la journée

L’après-midi se déroule selon un schéma identique, et pour ma part je n’aurai rien à mettre dans l’objectif de mon appareil photo. Cependant, 6 balles ont été tirées pour un solitaire assez bien armé, une bête rousse et un brocard, ce qui porte le tableau de la journée à 6 chevreuils et 5 sangliers pour... 18 balles ! Les animaux sont ensuite disposés sur des palettes pour la présentation du tableau de la journée. Les brisées sont remises aux tireurs et les Honneurs sont alors sonnés à la trompe et avec beaucoup de talent, par Jérémy Develly. Le président Alexandre Mercier conclue enfin la journée, en invitant l’ensemble des actionnaires aux différentes tâches qui se profilent : comptages nocturnes, circuits pédestres de recensement, entretien des aménagements, et autres, d’autant plus qu’un nouveau territoire voisin va porter la chasse des Bois de Saint-Jean à près de 1700 ha. Puis chaque tireur se mit au travail pour assurer la découpe des carcasses et procéder au partage de la venaison. Un cassoulet, servi au Gîte du village voisin de Chatel-Renard Chatêl-Gérard, sera le point d’orgue de cette belle fermeture de la saison 2024/2025. Je quitterai la forêt domaniale de Saint Jean, avec l’enthousiasme de savoir que dans la communauté des chasseurs de grand gibier, cette association de jeunes, dont la moyenne d’âge oscille entre 30 et 40 ans, apporte l’évidente preuve de leur compétence dans un projet qu’ils se sont promis de réussir : celui de parvenir à restaurer un équilibre satisfaisant entre la forêt et les ongulés qu’elle abrite.