Aujourd’hui, d’après l’UICN, près de 55 000 bouquetins sont présents sur l’ensemble des Alpes. Cette espèce emblématique du patrimoine alpin est en excellente santé, sous la surveillance que permet la génétique de repérer les liens et les échanges ou, au contraire, l’isolement entre les différentes populations. Cependant, il reste encore des points de friction entre les protecteurs inconditionnels du bouquetin, et les éleveurs qui ne sont pas encore parvenus à éliminer les menaces de brucellose. Certes, les réintroductions successives ont été des réussites, qui ont permis aux bouquetins des Alpes d’être classés « Least Concern », mais maintenant, que faire ? Avec un taux de reproduction qui se situe entre 18 et 25%, ce sont donc quasiment 10 000 animaux qui vont, tous les ans, enrichir les hardes de Capra ibex ibex. Compte tenu de sa défense anti-prédation qui le rend quasiment inaccessible aux prédateurs terrestres, loup en particulier, le bouquetin, victime de son succès, devra être « géré » afin d’éviter des concentrations qui pourraient lui être fatales… Rappelons que, entre le 17e et le 19e siècle, avec l’essor des armes à feu, les populations de bouquetins des Alpes ont disparu progressivement de l’arc alpin. Seul un noyau d’une petite centaine d’individus survivait en Italie, dans le massif du Grand Paradis. Le roi Victor-Emmanuel II fit alors de ce massif une réserve de chasse royale en 1856, protégeant ainsi les derniers individus. Depuis, les opérations de restauration de l’espèce se sont multipliées, et en France, la création du Parc national de la Vanoise (1963) et l’application de la loi de protection de la nature (1981), ont permis de protéger intégralement les bouquetins. Mais, à la suite de sa quasi-disparition, l’espèce a connu un goulot d’étranglement important, qui se traduit aujourd’hui par une variabilité génétique parmi les plus faibles chez les mammifères. Par ailleurs, la distribution spatiale de l’espèce est largement morcelée avec de très petites populations, potentiellement menacées par des épizooties ou des événements stochastiques, qui exigent encore que la variabilité génétique soit sous étroite surveillance...