Des lieux de ressources
Les étangs de faible profondeur conviennent aux canards dits « de surface », consommateurs de végétaux flottants comme la lentille d'eau, les graines que pousse le vent le long des rives ou les plantes immergées proches de la surface. Les pièces d'eau profondes conviennent, elles, aux « plongeurs » qui utilisent leurs pattes palmées et ailes pour évoluer jusqu'au fond et en extirper des parties de végétaux et mollusques, ceci pour les espèces gibier. D'autres plongeurs, eiders et macreuses, consommateurs de moules et autres coquillages, fréquentent pour leur part, le plus vaste des habitats humides : la mer. Si quelques individus gagnent l'intérieur des terres, en particulier pour rejoindre les grands lacs alpins, ces étendues d’eau représentent également pour eux, avec les étangs artificiels de retenue, un habitat très propice. A des degrés divers, des cours d'eau figurent aussi parmi les refuges des palmipèdes. Les moins importants, au cours lent, hébergent les rallidés sur leurs rives bordées de roseaux, tout comme les étangs. Calmes et peu fréquentés, on peut aussi y rencontrer sarcelle et colvert, ce dernier étant capable de s'adapter presque n'importe où. En cas de coup de gelée, tous les cours d'eau offrent aux canards l'eau libre qu’ils ne trouvent plus en eaux calmes, du moins jusqu'aux très grands froids qui arriveront toutefois à en figer la surface. Le dernier de nos grands fleuves sauvages, la Loire, par basses eaux, offre à toutes les espèces les reposoirs de ses bancs de sable, et en tout temps l'abri diurne de ses rives.
Des habitats fragiles
Autres espèces inféodées aux zones humides, les limicoles qui les fréquentent, de la prairie humide par dépression, aux eaux de la profondeur qui correspond aux dimensions de leurs pattes et de leurs becs. C’est ainsi que, dans la nature, la fonction a créé l'organe. Champs humides, marais, rivages marins, étangs, hébergent ainsi toute la variété des limicoles, du vanneau extirpant les vers d'une prairie, voire d'un champ cultivé, détrempé ou inondé, à la barge, immergée dans l'eau jusqu'au ventre, fouillant les bordures d'étang. Le bon état des populations d'oiseaux d'eau dépend donc directement de la qualité et de la quantité de tous ces habitats. Leur disparition, la diminution de leur surface ou la pollution qu’ils subissent, influe inévitablement sur l'hivernage. Les pertes d'habitats sur les zones humides littorales et autres marais asséchés, ont ainsi provoqué la fin des hivernages de l'oie des moissons et du colvert, quand, après la seconde guerre mondiale, les reconstructeurs reprirent la technique des bons rois, dont on disait qu'ils avaient construit des routes, mais asséché les marais. Bien plus tard, la sage politique du Conseil Supérieur de la Chasse, prédécesseur de l'ONCFS, sauva heureusement l'essentiel, avec le réseau des réserves nationales de chasse, aujourd'hui pour beaucoup rebaptisées naturelles, élaborées en particulier par sa Commission Consultative du Gibier d'Eau, qui réunissait efficacement, sous la houlette des Eaux et Forêts, chasseurs et naturalistes, en toute tolérance réciproque. C'est donc pour nous aujourd’hui, un devoir impératif de maintenir l’héritage et d’entretenir, en bon état, les zones dont nous sommes responsables, au lieu de nous contenter de les utiliser sans intervenir dans leur inévitable évolution naturelle : le comblement. Il est grand temps aussi de faire comprendre que la chasse représente une des clés de la sauvegarde de ces zones humides. Si nous laissons disparaître celles qui sont nécessaires à la bécassine, ainsi que les derniers marais littoraux, de l'Yser à l’Adour, ces dernières zones humides se transformeront en culture de maïs fourrager, là où les oiseaux d’eau n’auront plus du tout leur place…