Tous les animaux montrent une aptitude de survie liée à leurs besoins existentiels, alimentaires pour la plupart, et reproducteurs in fine, puisque la reproduction reste le moteur de la survie des espèces. Mais, pendant l’exercice de la chasse, la survie ne passe que par l’évitement du prédateur humain. Et quand il n’est plus possible, la confrontation a lieu, soit inopinée, soit calculée. Chez le sanglier, qui garde toute sa vie un caractère belliqueux, l'existence au sein des compagnies multiplie les raisons et occasions de conflits. Déjà à la fin du Moyen-Age, dans le bestiaire des péchés, le sanglier porte le fardeau des multiples turpitudes reprochées aux humains. Outre la goinfrerie (on sait déjà qu'il ravage les cultures la nuit), la paresse (il dort toute la journée pour mieux passer inaperçu dans ses vagabondages nocturnes), la luxure (on connait son attrait pour les plaisirs sexuels durables), il vaut mieux ne pas le contrarier, sinon à s'exposer à une réaction brutale de sa part. Cet état de violence sous-jacent se révèle dans l'offensive ou l'agression, mais peut fort bien se produire sans cause réelle de désagrément, chez des individus plus frustes. La charge d'un sanglier n'est pas toujours réfléchie, ni motivée. D’ailleurs, nombre de chasseurs ont été attaqués sans même avoir esquissé un geste, à la seule découverte de leur présence par l’animal. Dès leur naissance les marcassins doivent se battre pour garder le privilège d'accès aux allaites les plus productives de leur mère. Toute leur vie, ils testeront leur force en s'affrontant régulièrement dans les joutes de leur âge. Jeux de gamins pour les marcassins, accrochages souvent ponctués de cris sonores pour les bêtes rousses et de compagnies, puis combats de rut pour la suprématie sexuelle chez les ragots, quartaniers et autres grands vieux sangliers. Dans ces combats acharnés, c'est souvent le plus lourd qui l'emporte, dans une sauvagerie certes sanglante, mais rarement mortelle, ou les nombreux coups des défenses font des balafres béantes dans le sain des armures, jusqu'à l'effacement du sanglier dominé.

 

Chez les grands cervidés

Durant les chasses à courre, les cerfs maintenus ont de multiples occasions de se venger contre des suiveurs parfois très imprudents. Pourtant, peu d'entre eux sont vraiment vindicatifs ou méchants. Néanmoins, il vaut mieux ne pas se trouver sur leur passage ou sur la voie de fuite, ces animaux n'ayant guère de ressource dans l'esquive. Cette situation est assurément très dangereuse devant un animal qui ne déviera pas de sa route, et balaiera le passage avec son panache imposant. Le déboulé d'un grand cerf surpris, et certains attendent quasiment qu'on leur marche dessus pour surgir d'un roncier protecteur, reste un moment d'intense émotion pour le chasseur. L’énergie instantanément mise en œuvre et la puissance développée en quelques secondes, font de ces réactions explosives un réel danger pour les intervenants. Il faut donc toujours tenir compte que, et quelle que soit l'agression, physique, physiologique ou même visuelle, cet état permanent d'inquiétude prépare l'animal à la fuite, souvent dans une panique irraisonnée. Nombre de ces grands animaux se tuent eux-mêmes en se fracturant les vertèbres cervicales lors d'un choc brutal contre un obstacle percuté durant une débandade incontrôlée. En présence d'humains, chasseurs dans la plupart des cas, le cerf, tête haute, peut s'arrêter brutalement et faire immédiatement volte-face pour choisir une autre direction. C’est à ce moment-là qu’il vaut mieux ne pas être sur son passage, mais si c’est le cas, la seule sauvegarde consiste à se jeter à plat ventre, face contre terre. Ce n'est que pressé d'agresseurs proches et déterminés qu'un cerf se résoudra à combattre. L'approche terminale, qu’il soit blessé ou non, et maintenu au ferme ou aux abois, doit inciter les traqueurs, les conducteurs de chiens de sang et les veneurs, à mesurer ce risque de le voir débouler sur eux, voire d'être percutés.

 

Eviter la surprise

Dans les rencontres avec des sangliers, il n'est pas rare que ceux-ci viennent tester un danger éventuel. Déjà pas facile en bonne santé, le sanglier supporte mal un handicap physique. Gêné dans la fuite, il fera face et passera à l'offensive, cette propension devenant encore plus plausible dès lors qu'une blessure le fait souffrir ou lui impose des restrictions de mouvement ou de déambulation. Les conducteurs de chiens de sang comme les traqueurs sont avertis de ce risque inerrant, et là, ce n’est plus une question de gabarit, ni d'âge, bien que le vieillissement des sujets n’adoucisse guère un tempérament brutal voire coléreux. En deux secondes, un sanglier peut fondre sur vous, et occasionner des blessures qui seront à la hauteur de son groin (bête rousse et de compagnie) ou de ses défenses (ragot, quartanier et plus…). Généralement, ces blessures sont peu sévères (estafilades, longues coupures plutôt bénignes, malgré des contaminations possibles et de laborieuses sutures), mais avec un animal plus haut sur pied, c’est la rupture d'une grande artère qui apporte la gravité, voire le dramatique dénouement d'une blessure devenue mortelle. En recherche d’un animal blessé, on mesure assez vite le calibre du sanglier concerné, ce qui limite les rencontres imprévues. Mais dans d’autres cas, il arrive souvent que des traqueurs débusquent un animal blessé d’une chasse précédente, qui libérera autant de haine qu’il lui reste de vigueur. En conclusion, il faut toujours se méfier de ces magnifiques grands animaux, en prenant encore une plus grande attention aux déambulations des cerfs. Leur couper ou barrer la voie est synonyme de danger, risque bien connu des anciens veneurs que proclamaient que : « au sanglier le barbier (chirurgien des temps anciens), au cerf le curé (pour la bénédiction des morts). A chacun donc de mesurer les capacités de l’adversaires d'un instant et d'agir en conséquence devant ces deux formidables espèces qui sont le fleuron de la chasse française.