La chasse, les hommes...

Ce territoire superbe a, pour ce qui me concerne, une valeur sentimentale forte, car c’est là que j’ai fait, il y a maintenant plus de cinquante ans, mes premières armes à la chasse aux sangliers, à une époque où ils n’étaient pas légion. Dans chacune de ces quatre communes il y a une structure cynégétique associative. Celle de Gigouzac est présidée par Sylvain Aulié. Celle de Mechmont (le Réveil du Perdigal) est présidée par Ludovic Calmon. Quant à celle de Montamel, elle est menée par Didier Marrou, et à Ussel, c’est Michel Suszylo qui a en main sa destinée. Et depuis plus d’un quart de siècle, ces quatre communes se sont associées pour chasser les bêtes noires. L’avenir est envisagé sereinement puisqu’un projet de regroupement de trois communes va voir le jour prochainement, et portera le nom de : « Association des propriétaires de Gigouzac, Mechmont et Montamel », à laquelle les chasseurs d’Ussel se joindront pour chasser les sangliers.

 

Un territoire généreux…

Ce territoire offre, pour la chasse de la bête noire, une surface d’environ 3500 hectares. Concernant le petit gibier, c’est un excellent secteur pour le lièvre, qui est peu chassé, pour la bécasse qui a ses « aficionados », de même que la palombe. Le chevreuil se porte très bien, avec des plans de chasse adaptés, dont quelques brocards d’été qui sont vendus à l’approche. Le cerf est en train de s’implanter dans ce milieu porteur, et une future attribution est maintenant envisageable. Mais ici, vous l’avez compris, le gibier qui draine toutes les passions est le sanglier, chassé le samedi et le dimanche, depuis le quinze août jusqu’au trente et un mars. Il est omniprésent, presque trop, car il faut être vigilant à cause des dégâts sur les cultures agricoles, mais les chasseurs en sont conscients et s’impliquent. Les tableaux connaissent une progression et tournent actuellement, bon an mal an, autour de la centaine de sangliers, ce qui est nécessaire pour le respect des équilibres naturels. La venaison est partagée entre les propriétaires et les chasseurs, une partie étant conservée pour les banquets. A noter que les viscères sont stockés dans des bacs, et collectés par un équarisseur. La venaison est traitée dans une pièce dédiée de la cabane, dans le respect des normes d’hygiène, avec une chambre froide, ce qui est à souligner. La cabane, lieu de rendez-vous incontournable, est située sur la commune d’Ussel. Superbe et fonctionnelle, on y trouve en plus du local pour la venaison, une cuisine spacieuse, une salle pour les repas et réceptions et un local technique. Elle a été construite voici maintenant une douzaine d’années, et Gilles Belivent s’y est beaucoup impliqué, tant sur le plan administratif que technique.

 

L’organisation des battues

A chaque battue, il y a, en moyenne, entre vingt et vingt-cinq participants. Parlons maintenant des chasseurs, et des deux anciens incontournables que sont Robert Barry, 94 ans, titulaire du permis de chasse depuis 1947, chasseur de lièvres à ses débuts, qui s’est mis au sanglier depuis, et en a « culbuté » régulièrement. L’année dernière encore, il faisait parler la poudre… Le second est Maurice Burgalières, âgé de 87 ans, qui participe aux battues régulièrement, et tue, bon an, mal an, son sanglier. Lorsque j’étais enfant, il venait travailler à notre ferme familiale à Fages. Il m’a tenu sur ses genoux et me racontait des histoires drôles… C’est donc avec beaucoup d’émotions que je l’ai retrouvé ici. En plus des deux anciens, l’équipe est un subtil amalgame de jeunes, de moins jeunes, de chasseurs d’âge plus mûr et des anciens. De plus, la jeunesse et la relève frappent au portillon avec Eugénie Betaille, Matthieu Belivent, Alexis Belivent, Antoine Aulie, Gabriel Pons qui sont là, à chaque battue ou presque, et c’est réjouissant. Cette équipe est organisée et chasse avec éthique le sanglier. Le matin, dans chacune des quatre communes, plusieurs chasseurs font les traces, avec ou sans chien. Puis, vers 9heures30, tout le monde se retrouve à la cabane pour faire le point. Les résultats des quêtes sont annoncés, et il est décidé les attaques prioritaires. Il s’en suit les consignes de sécurité, importantes et rigoureuses, et l’attribution des postes. Après cette première attaque, vers midi et demi, un déjeuner (sans alcool) et préparé par un chasseur, est pris en commun à la cabane pour ceux qui le souhaitent, et à treize heures trente, on repart à la chasse jusqu’à la soirée. Les sangliers sont ensuite éviscérés et mis en chambre froide avant un partage ultérieur. Ici, la priorité est donnée au rapproché et à la menée avec des chiens courants adaptés au terrain, endurants et bien gorgés. Plusieurs meutes opèrent à tour de rôle, dont les propriétaires sont Messieurs Aulie, Belivent, Calmon, Garrigues, Marrou, Martino ou Pons, et que me pardonnent ceux que j’aurai pu oublier. Encore un petit détail, mais qui a son importance : une participation individuelle est demandée à chaque chasseur pour faire face aux frais vétérinaires en cas de blessures infligées aux chiens.

 

Un guide dans chaque équipe…

Ici, il s’agit de Sylvain Aulie, directeur de battue et homme à tout faire, très fin connaisseur du sanglier et de sa chasse, passionné et amoureux du chien courant. Il connait le territoire sur le bout des doigts, et c’est aussi un redoutable tireur. Nous nous connaissons depuis longtemps, et avons les mêmes idées sur le sanglier, sa chasse et le chien courant. Sylvain est membre de l’AFACCC du Lot depuis plus de quinze ans, et possède une meute de chiens de pays aux multiples qualités, créancés sur le sanglier, qu’il travaille sur le plan génétique avec brio. Il a commencé avec deux sujets qui venaient de chez Franck Bouscasse et Christian Poujade, le travail et l’éducation des descendants ont fait le reste. Ses chiens chassent bien, je peux en témoigner, et même si sa modestie naturelle peut en souffrir, Sylvain mérite cet hommage, car il fait beaucoup pour son équipe et pour cette chasse.

 

La battue du quatre février 2024 :

Le rendez-vous était fixé à huit heures chez Sylvain, et départ pour les traces avec deux chiens de pied. Direction la vallée de Gigouzac, pour une petite heure de marche et deux attaques possible car les chiens ont bien marqué la présence des bêtes noires. A neuf heures trente, retour à la cabane pour le rond et les consignes de sécurité. Pour la première attaque, les chiens ont été découplés à « La Bartole », sur Mechmont. Un magnifique rapproché de plus de trente minutes, parfois compliqué, a été mené à bien et les courants ont levé les sangliers à la fontaine du Mas de Long. Un petit mâle de 45 kg sera prélevé « au tilleul » par Bruno et François, après une menée assez courte. La seconde attaque se fera à « Combe Nègre ». Après un rapproché vif et tonique, la compagnie sera levée, puis menée avant qu’une petite laie d’une soixantaine de kilos soit prélevée au Mas de Jouanny. L’attaque du troisième pied a eu lieu l’après-midi, à « La Prune ». Les chiens, après une poursuite bien sonore seront mis en défaut par les sangliers au lac, ayant trouvé un change salutaire avec une autre compagnie. Mais on n’allait pas s’arrêter en si bon chemin, et un quatrième pied sera attaqué à « La Bourdarie », sur Montamel, où un joli mâle de 75 kg, baugé à moins de cent mètres de l’attaque, giclera au nez et à la barbe des courants. Il sera mené vivement un quart d’heure avant d’être stoppé par un joli tir de Franck, à « Taillade ». Restait enfin le coup du soir, à « Bel Air », sur un beau pied trouvé par René Laur. Il s’ensuivra un joli rapproché et le sanglier sera levé dans un fourré grand comme un mouchoir de poche, en bordure de la départementale. La menée sera tonitruante avec des chiens frais, et « Titine » Martino, posté dans la côte du Mas de Simon, ajustera l’animal de 75 kilos également, d’un superbe tir. La fin de chasse fut alors sonnée, au terme de cette journée « agitée ». Puis, retour à la cabane pour éviscérer les animaux tués, refaire la battue et partager le verre de l’amitié…

 

Epilogue

J’ai donc passé une magnifique et fructueuse journée de chasse, au sein d’une équipe qui pratique dignement, activement, et faisant la part belle aux chiens courants et à une chasse résolue et vivante. J’ai eu grand plaisir à me retrouver parmi ces chasseurs issus de la ruralité, et s’ils m’acceptent, parmi eux, c’est là que je terminerai ma carrière de chasseur, là où j’ai débuté. Donc merci à toi Sylvain, à tous les responsables et aux chasseurs locaux qui me permettent de faire perdurer ma passion de la « bête noire » au sein d’une équipe attachante et digne. J’ai partagé avec vous tous un grand moment… de chasse et d’amitié.

Pierre Périé