Comment êtes-vous venues à la chasse, par antécédents familiaux ou par pure découverte ?

- Marina : vers mes 14 ans, j’ai voulu accompagner mon père lors d’une battue aux chevreuils. J’ai tout de suite accroché. Le président de l’équipe locale m’a ensuite invité à la chasse et pendant quatre ans, j’ai participé aux battues. Puis un jour il m’a dit : « maintenant, il faut que tu passes le permis ». Je l’ai obtenu du premier coup et cela fait maintenant quinze ans, que je pratique.

- Noëlie : j’y suis venue par antécédents familiaux. Mes parents, mes frères et d’autres membres de la famille étaient chasseurs. Je les ai toujours accompagnés à la chasse, car la passion m’a attrapé de suite. Je n’ai jamais osé passer le permis, par appréhension de la manipulation des armes. Mais, en octobre 2023, notre père nous a quittés, trop tôt hélas, générant une forte blessure affective en moi. Cela a déclenché le besoin de passer le permis, sans doute pour conserver ce lien de complicité que nous avons vécus ensemble, et j’ai maintenant un an de pratique.

 

Qu’apporte la chasse à votre vie de femme ?

- Marina : j’ai beaucoup moins de temps pour gérer le quotidien à la maison (rires...).

- Noëlie : je passe plus de temps avec mes frères en partageant notre passion commune. J’ai un épanouissement personnel qui me met à l’égal de l’homme et me permet d’être respectée dans ce domaine.

 

Pourquoi avez-vous choisi la chasse collective du grand gibier et le chien courant ?

- Marina : j’ai commencé par le grand gibier et la battue et... je continue, même si parfois je fais un tour à la palombe. Le soir, après la battue, les anecdotes fusent et on refait la chasse avec beaucoup de « si... ». Et puis, il y a les chiens... J’ai toujours vécu avec eux et je ne pourrais pas m’en passer. J’adore entendre leurs récris dans nos collines. A ces moments-là, l’adrénaline monte, la gorge se noue et j’éprouve de la fierté pour le travail des « courants ».

- Noëlie : le lien familial en a été le vecteur, c’est la suite logique d’une tradition et de valeurs. Je me régale de voir et d’entendre les menées des chiens courants, avec ces émotions qui montent et qui me saisissent à chaque fois.

 

Comment avez-vous fait votre place dans ces chasses en battue, considérées comme essentiellement masculines ?

- Marina : cela a été assez compliqué pour moi de me faire accepter, surtout par l’ancienne génération. Après les quelques réflexions passées et surmontées assez facilement d’ailleurs, du style « tu devrais être à la maison, en train de préparer le repas » et quelques autres du même tonneau, tous m’ont entièrement acceptée. Pour moi la féminité n’apporte pas grand-chose à la chasse, le plus important étant dans l’évolution des mentalités et des comportements.

- Noëlie : pour moi la femme représente un avenir pour la chasse, surtout la jeune génération. J’ai deux frères et aucun a priori avec les hommes à la chasse. Dès que le cahier de battue est signé, on est tous égaux, face à la nature environnante.

 

Quelles sont vos motivations futures et comment voyez-vous la chasse de demain ?

- Marina : continuer à chasser avec mon compagnon, mes chiens et les entendre et voir leur travail. Des nuages sombres planent sur notre passion, mais on fera tout ce qu’il faut pour qu’elle perdure. N’oublions pas que 80% du territoire est privé et que « charbonnier restera maitre chez lui... ».

- Noëlie : partager du bon temps avec la famille et les amis, et pouvoir, dans l’avenir, monter un équipage de Beagles. Faire partager à mes enfants la passion de la chasse aux chiens courants. Puis fédérer le plus grand nombre de personnes et de sociétés différentes autour, et dans notre passion, qui est un art de vivre.

 

En conclusion...

Cet entretien est réconfortant, car il confirme que l’arrivée des femmes, dans les chasses collectives du grand gibier, est de nature à modifier certains comportements encore cristallisés dans un passéisme qui n’a plus lieu d’être. Les femmes apporteront leur pondération, leur calme et surtout ce regard nouveau sur notre milieu encore trop souvent sectaire. Les jeunes générations ne s’y trompent pas et nous montrent la voie à suivre... Remercions vivement Marina et Noëlie de s’être livrées à cet exercice qui apporte la touche de modernité dont nous avons bien besoin, et souhaitons-leur de vivre cette passion de la chasse avec bonheur.