Que dit la Cour des Comptes

Dans son préambule, elle parle « des forêts publiques fragilisées, au cœur des enjeux de la transition écologique » et établit l’état des lieux : les sécheresses et attaques de parasites conduisent à des phénomènes de dépérissements massifs des forêts. 25 000 hectares de forêts domaniales et autant de forêt des collectivités ont été détruits entre 2018 et 2021, appelant un effort de reconstitution appuyé par l’État. De plus, le changement climatique ralentit la croissance des peuplements et réduit la production biologique des forêts publiques françaises. Cette vulnérabilité a remis en lumière l’importance des services environnementaux rendus par les forêts, qu’il s’agisse de la préservation de la biodiversité ou encore du stockage de carbone, et l’ONF doit désormais pleinement les intégrer dans ses modes de gestion.

 

Une situation financière en amélioration

Les recettes tirées de la vente de bois domaniaux représentent 40 % du chiffre d’affaires de l’ONF. Elles ont progressé en raison de la hausse des cours du bois observée en 2022 et 2023, et ont contribué à réduire l’endettement de l’établissement à 271,3 M€ fin 2023, après un pic à près de 400 M€ en 2020 et 2021. Cette dynamique positive est également due au soutien de l’État dans la couverture des charges associées à la mise en œuvre du régime forestier dans les autres forêts publiques, et aux missions d’intérêt général de l’ONF. Toutefois, le financement de ces dernières, à l’équilibre seulement depuis 2023, implique la poursuite des efforts de l’Office pour fiabiliser davantage leurs coûts. Enfin, pour inscrire son activité concurrentielle dans une logique profitable, l’ONF a opéré un relèvement du tarif de ses prestations commerciales, et s’est attaché à faire progresser ses outils de pilotage analytique, ainsi qu’à réduire sa masse salariale.

 

Une soutenabilité fragile

Malgré cette évolution, la soutenabilité financière de l’ONF reste fragile. Afin d’amortir les effets des fluctuations des cours, l’État, l’ONF et la FNCOFOR se sont accordés sur un objectif de développement des contrats d’approvisionnement. Toutefois, cet objectif appelle une vigilance particulière de l’ONF sur les prix des bois vendus et à ses coûts de production. L’extension du régime forestier implique, par ailleurs, le déploiement de moyens importants, évalués par l’ONF à 70 agents et à 7 M€ supplémentaires par tranche de 100 000 hectares. Face aux réticences des propriétaires forestiers publics à contribuer davantage au financement du régime forestier, l’atteinte de cet objectif repose, in fine, sur une contribution toujours plus importante de l’État, donc des contribuables. Une clarification des critères requis pour bénéficier du régime forestier est donc souhaitable, et doit s’accompagner d’une évaluation des conséquences financières des choix ainsi arbitrés. Enfin, les réductions progressives d’effectifs au sein de l’ONF ont eu des conséquences importantes sur la capacité de l’établissement à remplir ses objectifs. Pour autant, le nombre d’agents nécessaires aux missions de l’ONF et leur répartition par statut ne sont pas aujourd’hui précisément mesurés, et nécessiteraient d’être documentés.

 

Une augmentation prévisible des soutiens de l’État

L’évolution en cours des missions de l’ONF remet en question le principe historique voulant que « le bois paie la forêt ». À horizon 2050, l’ONF évalue l’effort de reconstitution des peuplements des forêts domaniales dépérissants à 21 000 ha par an contre 12 000 ha actuellement. Le coût des reboisements est évalué entre 100 et 120 M€ par an, pour les seules forêts domaniales, contre 44,2 M€ aujourd’hui. L’effort financier à prévoir pour les autres forêts publiques est estimé à 120 M€ par an, à la charge de leurs propriétaires, avec l’appui de l’État. Du fait de ses capacités financières et sans évolution de ses sources de financement, l’établissement ne pourra pas répondre seul aux enjeux de la transition écologique, notamment ceux liés au changement climatique. Dans ce contexte, la Cour appelle à une priorisation des objectifs assignés à l’établissement et à l’adaptation de ses moyens humains et financiers afin qu’il puisse y répondre.

 

NDLR : Malgré la bonne volonté affichée par la Cour des Comptes qui condamne très mollement la situation financière de l’ONF, elle fait l’impasse sur la partie technique de la conversion arboricole, dont personne ne sait aujourd’hui, pas même les professionnels du bois, si c’est la bonne voie à suivre. Bien qu’à l’abri des dents des cervidés, les parcelles d’essais engrillagées périssent les unes après les autres, ce qui inquiète, et pour cause, les gestionnaires. Le problème est que, après la décision prise de couper à blanc pour replanter des espèces soi-disant plus résistantes à la chaleur et moins gourmandes en eau, il faudra attendre au minimum vingt ans avant d’en voir les conséquences. Et si ça ne marche pas, il ne restera, aux futures générations... que des copeaux. Les forestiers devraient garder en mémoire ce que disait l’un de leur meilleur directeur : « Quand on replante en forêt, c’est qu’on s’est trompé… ».