155 meutes en France, 184 en Allemagne et 4 en Belgique !
Fin connaisseur de l’espèce, qu’il côtoie depuis de nombreuses années sur son territoire de chasse des Hautes-Alpes, le conférencier Gérard Bedarida, ancien président de l’ANCGG, a conduit son intervention en abordant, dans un premier temps, l’empreinte que l’espèce laisse dans l’évolution des êtres vivants et dans l’histoire de France en particulier. Il rappelle que le prédateur fut à l’origine de la création, en 813, de la Louveterie, et qu’il a profondément marqué l’imaginaire collectif comme en témoignent la toponymie, les légendes ou encore le langage… Absent pendant 60 ans de notre territoire, présumé disparu en 1930, il réapparaît en 1992 dans le Mercantour. La désertification des campagnes, l’évolution des pratiques agricoles en milieu de montagne favorisant son retour, il est à ce jour présent sur les trois quarts du territoire national, et c’est dans l’Arc Alpin, qu’il est surtout concentré. En 2022, quelques 155 meutes étaient répertoriées dans notre pays.
Un prédateur très mobile
Dans un second temps, Gérard Bédarida présentait les principales données intéressant la biologie et l’éthologie de l’espèce, et les éléments qui permettent de repérer sa présence certaine sur un territoire. Toujours en déplacement, parcourant de 25 à 30 km par jour de sa démarche régulière et légère, le loup vit en meute, marquant les limites de son territoire par ses crottes et jets d’urine…Très territorial, il se bat avec agressivité, ce qui entraine assez souvent des morts. Les louveteaux devenus subadultes à l’âge d’un an et demi quittent la meute, qu’ils soient mâles ou femelles, et partent à l’aventure afin de trouver un partenaire… Près de 50% périront lors de ces déplacements, et ce n’est parfois qu’en revenant sur leurs secteurs d’origine riches en proies, qu’ils trouvent l’âme sœur pour fonder une famille… C’est ce qui explique que l’étendue de leurs territoires a tendance à diminuer passant ainsi de plusieurs dizaines de milliers d’ha à 15 000 ha, et parfois moins. Dévorant ses proies en ouvrant le sternum pour consommer en priorité cœur et poumon, le loup a besoin de 2 kilos de viande par jour en moyenne, et son régime alimentaire est constitué de 75% de proies sauvages, et de 25% de proies domestiques. Ainsi l’installation d’une meute a un impact direct sur la faune sauvage. Les premières victimes étant toujours les plus faciles à capturer, les mouflons dans les animaux sauvages et les moutons chez les éleveurs. Le loup s’impose donc d’emblée comme un concurrent direct des chasseurs et des éleveurs, avec tous les problèmes que cela peut engendrer…
Une gestion compliquée
La gestion des effectifs de loups s’avère ainsi particulièrement complexe. Pour la seule prédation des animaux de rente (élevages), les dépenses liées à la prévention sont de l’ordre de 30 millions d’€, et celles des indemnisations à 5 millions d’€… entièrement assumées par la société. Ce qui revient à constater que chaque loup vivant en France, coûte par an aux contribuables quelques 72 400 € (NDLR : il y avait, selon les chiffres communiqués par l’OFB en septembre 2023, mille cent quatre loups (1104) sur le territoire métropolitain). Et malgré un plan d’élimination de 204 loups par an, quasiment la moyenne du taux de reproduction de l’espèce, elle continue à se développer, ce qui aurait tendance à prouver que le nombre de loups est sous-estimé… Si, après quatre décennies de luttes et de seaux de larmes versées par les éleveurs, le concept de gestion de l’espèce semble acquis et accepté sur l’arc alpin. En revanche, la colonisation des autres régions pose incontestablement des problèmes bien différents, d’où un questionnement des victimes du prédateur, auquel il conviendra de répondre dans un proche avenir. Quelle capacité d’accueil et quels critères faudra-t-il retenir pour mieux évaluer la présence et l’impact de la présence de ce prédateur ? Sera-t-il nécessaire de poser des différentiations géographiques et dans ce cas, comment conduire une gestion adaptative satisfaisante ?