Les chevrettes monoœstriennes : un cycle unique et court
Chez le chevreuil, la chevrette ne présente qu’un seul œstrus par an. On parle alors de cycle monoœstrien saisonnier, une stratégie reproductrice relativement rare chez les mammifères. Cela signifie que la femelle entre en chaleur une seule fois durant une période bien précise de l’année, en général courant juillet. Cette courte fenêtre de fertilité, qui ne dure que 24 à 48 heures, impose une pression importante sur le mâle, qui doit repérer rapidement les femelles réceptives et les courtiser intensément. Avant l’ovulation, la chevrette ne se laisse pas facilement approcher. Elle peut fuir ou tester la ténacité du brocard à travers une poursuite ritualisée. Ce comportement est à l’origine des fameux « ronds de sorcière », des cercles d’herbe aplatie observés dans les prés ou les champs, créés par la course circulaire du couple en rut. Le fait d’avoir un unique œstrus est compensé chez la chevrette par une grande précision hormonale. L’ovulation se déclenche peu après l’accouplement grâce à une stimulation mécanique, un phénomène appelé ovulation induite. Cette stratégie maximise les chances de fécondation tout en réduisant l’investissement énergétique sur l’année. En effet, contrairement aux espèces qui se reproduisent à plusieurs reprises dans l’année,
la chevrette concentre ses efforts dans une période restreinte. Elle doit ensuite consacrer le reste de son cycle annuel à la gestation et à l’élevage des jeunes, qui nécessitent de nombreuses ressources énergétiques et une vigilance constante face aux prédateurs. Ce mode de reproduction est ainsi étroitement lié à la disponibilité saisonnière des ressources dans les écosystèmes tempérés.
Sexualité et comportements du brocard en période de rut
Le comportement sexuel du brocard, particulièrement marqué durant la période du rut, repose sur deux éléments majeurs : la défense du territoire et la recherche des femelles réceptives. Dès le printemps, les mâles commencent à marquer leur territoire à l’aide de signaux olfactifs et visuels. Ils frottent leurs glandes frontales et leurs brosses contre les troncs d’arbustes, urinent sur le sol et piétinent la végétation pour laisser des indices de leur présence. Ces marques servent à éloigner les rivaux, mais aussi à attirer les femelles. Les brocards sont généralement solitaires ou vivent dans des groupes très réduits. Pendant le rut, ils deviennent plus actifs, parfois agressifs, n’hésitant pas à chasser d’autres mâles pour conserver l’exclusivité d’une zone riche en chevrettes. Quand une femelle en œstrus est repérée, le brocard la suit de près, l’isolant du reste du groupe pour entamer une sorte de « danse nuptiale ». Cette poursuite peut durer plusieurs heures, voire plusieurs jours, avec des allures variables selon le degré de réceptivité de la femelle. Si celle-ci accepte finalement l’accouplement, plusieurs saillies auront lieu en peu de temps. Le brocard ne forme pas de lien durable avec la femelle ni avec les petits à venir : après le rut, il retourne à une vie plus discrète, perdra ses bois à l’automne et redeviendra moins territorial. La sexualité du brocard est donc étroitement liée au calendrier naturel. Il investit beaucoup d’énergie dans une période courte, en augmentant son niveau d’activité, en se nourrissant moins, et en prenant plus de risques en s’exposant en plein jour. Ce comportement, bien qu’efficace sur le plan reproductif, accroît sa vulnérabilité : les collisions routières augmentent durant le rut, tout comme les affrontements violents entre mâles. Cependant, ces stratégies ont été sélectionnées au fil du temps car elles permettent une reproduction efficace dans des conditions écologiques précises.
La chasse du brocard : une pratique fine et exigeante
La chasse du brocard, particulièrement pratiquée à l’approche durant l’été, demande une grande connaissance du comportement de l’animal et une fine lecture des conditions météorologiques et environnementales. Contrairement aux autres périodes de chasse plus bruyantes, le rut d'été est propice à la chasse dite « à l’approche » ou « à l’affût », une technique discrète où l’on tente de repérer puis s'approcher silencieusement de l’animal, sans être vu, ni éventé. Cette méthode, à la fois sportive et contemplative, repose sur une bonne compréhension du rythme d’activité journalier du chevreuil, qui est crépusculaire, mais pas uniquement. Durant la période estivale, les brocards sont actifs à plusieurs moments de la journée, avec des pics clairement identifiables. Les animaux sont généralement « sur pied » dès le lever du jour, parfois avant même que le soleil n’éclaire la lisière. Ce premier pic d'activité dure jusqu’au milieu de la matinée, moment où les chevreuils regagnent leurs zones de repos. Une deuxième phase d'activité, souvent sous-estimée, survient autour de 13 à 14 heures. Bien qu’elle soit plus courte et moins intense, cette fenêtre peut être très productive, notamment durant les jours calmes. Enfin, un troisième et dernier pic a lieu environ deux heures avant le coucher du soleil, période où les animaux sortent de nouveau pour se nourrir, socialiser ou marquer leur territoire. Les conditions météorologiques jouent un rôle à ne pas négliger, dans le choix des zones à prospecter. Lorsque la température est douce ou légèrement fraîche, notamment en début de journée, les brocards peuvent être observés en plaine, souvent dans les cultures ou les prés, là où la visibilité est bonne.
Lorsque la chaleur s’installe, notamment en fin de matinée ou dans l’après-midi, les animaux préfèrent se réfugier en lisière, où ombre et couverture végétale leur offrent un compromis idéal entre sécurité et fraîcheur. En cas de canicule, les chevreuils gagnent le cœur des bois, où l’humidité et la température plus basse leur permettent de mieux réguler leur organisme. Dans ces cas-là, les observations deviennent plus difficiles, mais les affûts bien placés dans les clairières forestières ou les coulées discrètes peuvent s'avérer fructueux. La réussite d’une chasse au brocard repose donc sur l’anticipation et l’observation. Le chasseur doit adapter ses horaires, ses déplacements et ses postes d’observation selon le terrain et les conditions. En période de rut, l’usage du « pipet » ou appeau peut également se révéler redoutable : cet instrument imite les cris de la chevrette en chaleur ou les appels des faons, ce qui attire parfois le brocard, rendu moins méfiant par ses pulsions reproductrices. Mais cette technique demande précision, sens de la mesure et respect de l’animal, pour éviter de stresser inutilement la faune. Une éthique rigoureuse reste le fondement de cette chasse passionnante, qui allie patience, connaissance du vivant et lien profond avec la nature.