- Sa deuxième erreur a été, dès le début de son mandat, d’avoir humilié Barbara Pompili alors secrétaire d’État à l’environnement, lors de l’inauguration d’une maison de la chasse dans la Somme. Même si le fond de son intervention était légitime, les propos qu’il tint étaient à la limite de la vulgarité. Cette forme d’expression allait devenir chez lui une seconde nature avec des conséquences désastreuses dans l’univers médiatique, en donnant de facto une argumentation facile aux anti-chasse. La ministre ne lui a pas pardonné, en le lui faisant payer durement. Malgré les injonctions présidentielles, elle n’a jamais demandé à ses services de préparer des dossiers argumentés, afin d’obtenir, auprès de la Commission européenne, des dérogations concernant les chasses traditionnelles comme l’ont fait d’autres pays. De même, le ministère de l’environnement a adopté la politique de la chaise vide devant le conseil d’État, lorsqu’étaient instruits les recours des écologistes. Dans ces conditions, malgré ses promesses, la chasse des oies en février n’a pas été rétablie, les moratoires retirant certains oiseaux de la liste des espèces chassables maintenus (courlis cendré, barge à queue noire, tourterelle des bois et plus récemment grand tétras) et la plupart des chasses traditionnelles ont été interdites (gluau – matole – tendelles – filet).

 

- Sa troisième faute a été, à l’instar du roi Soleil s’étant approprié l’État, d’avoir décrété « la chasse française, c’est moi ». Il s’est ainsi coupé quasiment de toutes les associations spécialisées, riches de milliers de bénévoles apportant leur précieux concours technique. Il était quasiment impossible pour les dirigeants de ces structures très actives, d’obtenir un rendez-vous avec le président. Certains ont courbé le dos en attendant des jours meilleurs, d’autres se sont rebellés. De même, il a accepté sans sourciller la disparition de l’ONCFS qui, depuis une dizaine d’années, était devenu, sous l’impulsion de son directeur général Jean-Pierre Poly, un outil précieux au service de la chasse. C’était pour le président une sorte de contre-pouvoir dont l’objectivité ne pouvait se satisfaire de déclarations à l’emporte-pièce. Cet isolement volontaire a découragé de nombreuses bonnes volontés.

 

- Sa quatrième erreur, dans l’ordre chronologique, mais certainement la plus importante sur le plan stratégique, a été, fortement influencé par Thierry Coste, de tomber « sous le charme » du président de la République qui a su lui « vendre » l’Office français de la biodiversité contre le permis national à 200 €. Le chef de l’État cédait ainsi à la pression des verts qui, de longue date, voulaient liquider l’ONCFS. Le Sénat avait déjà déjoué une première tentative, deux ans auparavant, lors de la création de l’AFB (Agence française de la biodiversité). Cet accord a été un véritable marché de dupes. L’OFB est une formidable usine à gaz, dotée d’un conseil d’administration de plus de cinquante participants, dans lequel ne siègent que trois malheureux chasseurs se limitant à compter les points lors des échanges entre écologistes et syndicats, et ceci, malgré la bonne volonté des deux premiers directeurs. L’OFB est une machine qui détruira la chasse française à petit feu. En parallèle, le permis national à 200 €, devant attirer de nombreux nouveaux chasseurs, est une pure mystification. Depuis sa création, le nombre de pratiquants est tombé sous la barre historique d’un million, et les fédérations ne peuvent plus imposer un timbre sanglier à ceux qui ont choisi cette nouvelle formule. Résultat : les finances de plusieurs d’entre elles sont durablement dans le rouge ce qui les a incitées à augmenter le prix du permis départemental maintenant très proche de celui du national.

 

- Au cinquième rang, il faut placer deux concessions majeures à la technocratie européenne et ministérielle. Le service d’information sur les armes (SIA) est un système incompréhensible vécu comme une punition. Sa nomenclature est un labyrinthe dans lequel les professionnels et même les services du ministère ne se retrouvent pas. Le logiciel est défaillant, à telle enseigne que le délai de mise en œuvre ne cesse d’être repoussé. Il est également permis de douter de son impact dans la lutte contre la grande délinquance. Simultanément, la FNC a cédé, sans combattre, sur le dossier du plomb. L’émergence du saturnisme chez certains oiseaux n’est que marginale. Les effets nocifs présumés ont fortement été exagérés par les anti-chasse. Il fallait obtenir un délai suffisamment long permettant de trouver des munitions de substitution adaptables à tous types de fusils et à moindre coût. Les oiseaux blessés, victimes d'une grenaille inefficace, sont probablement beaucoup plus nombreux que ceux concernés par l’ingestion de plomb. Ces contraintes vont inciter beaucoup de vieux chasseurs à raccrocher le fusil, permis national à 200 € ou pas.

 

- Pour terminer, vient en sixième position, sa candidature aux élections européennes. N’est pas Jean Saint-Josse qui veut. Willy Schraen s’était imaginé rééditer le score de la liste CPNT lors du scrutin de 1999, en oubliant que le nombre de chasseurs s’était fortement réduit, alors que l’offre politique dans le créneau de la ruralité était considérable. Lâché par Thierry Coste, et prenant conscience de l’impasse dans laquelle il s’était placé, il crut sauver les meubles en s’alliant au facétieux Jean Lassalle. Malgré une tentative de mobilisation du monde de la chasse, à la limite de la régularité, dans la dernière semaine, la défaite a été cinglante. Avec 2,30 % des suffrages, la liste Alliance rurale se situe juste au-dessus de celle des Animalistes. Ayant obtenu moins de 3 % des voix, elle ne bénéficiera d’aucun remboursement, ce qui génère un grave problème financier. Avec cet échec personnel, dans lequel les opposants vont immédiatement s’engouffrer, le président de la FNC a perdu sa crédibilité tout en entraînant la chasse française dans sa chute. Malgré son engagement de démissionner en cas de non élection, il s’est maintenu provisoirement, a-t-il dit, sous la pression « provoquée » de son conseil d’administration. Il va probablement jouer la montre d’autant plus, qu’ayant fait le vide autour de lui, aucun candidat indiscutable ne se profile pour lui succéder. Les manœuvres ont déjà commencé. Il est vrai que reconstruire sur des décombres ne sera pas chose facile avec le contexte politique d'une Assemblée nationale ingouvernable, dans laquelle Dominique Voynet, de sinistre mémoire, a fait son retour. Plus que jamais, si la chasse française veut survivre, il lui faut tourner la page de cette période agitée, en se dotant d’une ligne de conduite irréprochable. Qui relèvera ce challenge ?

 

Jean-Noël Cardoux, ancien président du groupe chasse et pêche du Sénat