Tome 5, chapitre 14 de « Bonheurs de Chasses » (sortie prévue octobre 2024)
« Valoriser sa venaison et son gibier, c’est aussi le partager ! »
De plus en plus, à la chasse, nous croisons des personnes qui ne veulent pas de gibier lors du partage du tableau. Il est vrai que si vous chassez en plaine, et que, dans votre journée de billebaude avec votre chien, vous revenez avec un lièvre, un perdreau et une caille des blés, le souci du gibier est gérable. Mais, et de plus en plus souvent, devant la quantité obtenue lors de certaines battues au grand gibier, les chasseurs refusent, pour la majorité, d’emporter des parts de viande. Avant d’aller plus loin dans les conseils, je trouve que les chasseurs citadins sont pénalisés. Vous imaginez découper un chevreuil entier dans votre appartement ou plumer 5 faisans ?
Dans certains pays, il existe des personnes qui vous préparent sur le site de chasse votre gibier. Les faisans et les perdreaux sont plumés à sec à l’aide d’une plumeuse, grillés ensuite et pour finir vidés pour attendre d’être cuisinés par vous et chez vous. Certains diront : oui, c’est super, mais chez nous, ce n’est pas réalisable. Je l’ai vu, d’une semaine sur l’autre, vous récupérez votre « bourriche » prête à cuire. Pour le grand gibier, c’est encore plus simple, un boucher présent, dans la salle de découpe, vous prépare vos morceaux à votre convenance.
Nous croisons encore des chasses sous-équipées en matériel et espace de découpe. D’autres, maintenant la grande majorité, sont équipées aussi d’une chambre froide pour stocker, près d’une salle de découpe propre, disposant de l’eau courante et dans laquelle la venaison est correctement et proprement travaillée pour ses adhérents. Je pense qu’il faut donner envie d’emporter de la venaison. La propreté des lieux, où les animaux prélevés sont préparés, est indispensable. Le fait que certaines chasses, ne dépouillent pas les bêtes, m’attriste. Avec notre société zéro déchet, vous faites comment avec la peau, la tête, les pattes et le reste quand vous arrivez chez vous. Nous n’avons pas tous une salle de découpe avec une armoire frigorifique à disposition, sans oublier le bac à viscères personnel.
Un souci primordial, il faut du temps pour faire cela. Entre le plumage ou le dépouillage, pour arriver au gibier prêt à cuire, comptez 30 minutes au moins pour un faisan ou un canard et près de quatre heures pour un chevreuil ou une bête rousse. Vous avez un cuissot de biche, entier il pèse près de 8 kg à 10 kg. Vous enlevez la peau, vous coupez la patte, vous le désossez, vous séparez les muscles principaux, vous ôtez les nerfs et vous obtenez enfin des parts de viande utilisables en steak- en fondue ou au four. Il vous faudra au minimum 2h30. Quand vous êtes en activité, vous rentrez tard le dimanche soir et vous vous levez tôt le lundi matin pour partir travailler, on fait comment ?
Les chasseresses et les chasseurs ne sont pas encore toutes et tous à la retraite. Il faut s’entraider, s’organiser et imaginer des actions et des solutions pour valoriser les produits obtenus par la chasse. Certaines fédérations de chasses, comme celle du Cher, normal elle nous est chère ou chair, propose aux particuliers de s’inscrire sur une liste d’attente et du gibier de leur choix pourra leur être proposé, vidé et entier. D’autres proposent des ateliers d’une quinzaine de personnes, autour d’un professionnel, pour apprendre à travailler correctement la viande de gibier. J’ajouterai que des ateliers avec des cuisiniers seraient profitables à toutes et tous. Nous disposons d’une viande de super-qualité, mieux que celle distinguée par le label bio, parce-que avec cette viande des champs et des bois vous aurez zéro antibiotique et zéro produit médicamenteux à l’intérieur et nous ne voulons pas la valoriser ni dans nos assiettes ni pour celles de nos invités ?
Beaucoup de nos amies et amis ne veulent pas manger de gibier. Les raisons sont multiples : trop fort, ça sent trop le sauvage, on a l’impression de manger de la vase, etc… Quand vous savez que de nos jours un sanglier de 120 kg entier n’est pas âgé de plus de quatre ans, la viande est moins forte qu’à l’époque de nos aïeux. De plus, nos anciens faisaient « faisandés » leur petit gibier et « marinés » les pièces de gros gibier. De nos jours, on mange frais, naturel et légèrement transformé. On peut fabriquer ses boulettes de viande, ses saucisses et ses merguez avec son gibier. On élabore des terrines et des conserves simplement. Certains fument quelques morceaux, comme les filets ou les cuissots. Avec un cuissot de brocard d’été, désossé et coupé en tranches assez fines, macérées dans de l’huile avec des aromates frais, quelques heures suffisent et quand vos invités arrivent, vous passez ces morceaux à la plancha et tous vos convives seront ravis comme Gina qui nous ravit au lit. Une viande d’été affiche davantage de qualités gustatives qu’une viande d’hiver.
Des associations de chasses proposent aux citoyens locaux des plats préparés en barquettes prêtes à mettre au four. Cette idée rapporte plusieurs choses, notamment de l’argent et de la notoriété, localement c’est important. Certains présidents distribuent au fil des jours de chasses et des tableaux, des morceaux de viande aux personnes âgées, aux propriétaires et aux nécessiteux. Nous pouvons trouver des moyens simples et peu coûteux pour partager notre venaison.
Quand j’ai vu en grandes surfaces cette année, pour les fêtes, des prix de l’ordre de 27 euros le kg pour un morceau de gibier préparé, que ce soit biche-sanglier ou chevreuil, de provenance U.E, je reste inquiet pour l’avenir de notre venaison Française. C’est aux producteurs, donc nous « les chasseurs », de prendre les choses en mains et non pas à la grande distribution. Nous préférons jeter ou enterrer notre gibier et les autres acteurs continuent à favoriser les importations ?
Plusieurs fois, j’ai invité des personnes dites « bobos », qui ne mangent pas ou pas beaucoup de viande et encore moins de viande des champs-forêts et marais. J’ai un souvenir avec Sylvie, la belle Parisienne, et son mari Kazu, un Japonais pure souche et fier de l’être. Autour d’un apéritif pétillant, Vouvray de Montlouis pour rire, je présente le repas qui nous attend. Sylvie vient me voir discrètement pour me dire : « tu sais Hubert, nous ne sommes pas Fous de gibier à table ». Je lui réponds : « vous allez voir, acceptez de goûter au moins ! »
La terrine aux trois grands gibiers est dévorée en amuse-gueules. Sylvie et Kazu affichent des mines réjouies. Le plat de résistance arrive sans résistance et je sers les convives. Les parfums inondent les sens dans tous les sens. Ils se détendent et conviennent que c’est tout simplement « délicieux ». Pourtant, ce n’était qu’une épaule de sanglier en cuisson longue avec ses légumes pour seuls parfums extérieurs. Suite à cette ouverture de palais, j’ai servi le traditionnel « trou Loiretain », qui se compose d’un sorbet poire accompagné d’une eau de vie de Poire d’Olivet qui sort, elle aussi, du congélateur pour amplifier le velours du fruit. Ils sont repartis, comme beaucoup d’autres, séduits et surpris. A nous de jouer, de partager et de faire découvrir le bon goût de notre venaison, nous sommes les meilleurs ambassadeurs pour cette promotion.