Le terme de « limier » désigne, en vénerie, un chien employé à faire le bois, afin de déterminer l’enceinte où se trouve remisé l’animal qui sera attaqué par la suite… . Il est coutume de dire que, bien attaqué, un animal est à moitié pris. Faire le bois est donc la première des choses qui conditionnent la chasse, permettant de lancer à coup sûr, et dans les meilleures conditions. Détourner un animal, c’est, avec l’aide d’un chien spécialisé dans ce travail, l’action de suivre une bête (généralement cerf ou sanglier), jusqu’à une dernière enceinte, et en faire le tour pour s’assurer qu’il n’en sort pas. Mais il ne suffit pas de trouver la dernière remise, encore faut-il être assez discret afin que l’animal n’ait pas connaissance du limier et de son valet, et qu’il reste en sa demeure, sans inquiétude. Pour ce qui est de la chasse du sanglier, il y a lieu de faire une différence entre les divers types de chasse, selon que l’on pratique sur de grands massifs ou sur des territoires plus restreints, où les animaux sont plus nombreux. Quoiqu’il en soit, si le principe reste le même, la dénomination employée en vénerie change en chasse à tir, où le « limier » devient alors « chien de pied » et son valet « conducteur ».

Choisir son chien de pied

La question qui revient sans cesse est bien de savoir quel est le meilleur chien pour remplir cette fonction. Bien des chasseurs, du moins ceux qui ont le plaisir de faire le pied, utilisent un de leurs chiens qu’ils savent être bien dans la voie du gibier recherché. Il est à remarquer que ce n’est pas telle ou telle race qui influence la décision, mais plutôt les circonstances et la connaissance qu’à un propriétaire, de ses chiens. En général, les chasseurs savent bien où il faut aller pour se procurer ce qu’ils recherchent, et peu importe que le chien soit de race pure ou croisé. Il faut se rendre à l’évidence, dans ce domaine les utilisateurs n’ont que faire des résultats d’épreuves officielles. Ce qu’ils veulent, c’est de l’efficacité sur le terrain.

Les qualités indispensables

D’une façon générale, les caractères primaires (ceux qui se voient à l’œil), comme la construction et la taille, seront associés aux territoires et aux biotopes. C’est ainsi que l’on préférera un grand chien bien construit et puissant sur les grands massifs, alors que l’on choisira plutôt un chien de taille moyenne, voir petit, sur des territoires plus restreints. Les caractères secondaires (ceux qui ne se voient pas à l’œil nu) seront, eux, indispensables dans tous les cas. Il s’agit d’abord du nez, qui doit être développé mais adapté. En effet, une trop grande finesse n’est pas indispensable et peut même, dans certains cas, devenir gênante, car un tel chien, peut travailler des voies trop anciennes, par exemple celles qu’ont tracé les sangliers au début de leur nuit. Ces voies, appelées « voies du relevé » peuvent demander, si on les suit, une journée entière pour rembucher l’animal ou faire passer du temps inutilement et trop retarder l’attaque. La qualité la plus importante réside dans le caractère du chien. Ni emporté, ni fougueux, ni timide, mais calme et appliqué, conscient de ce que son conducteur attend de lui. Or, ces qualités ne sont pas innées chez un chien…

Une complicité de tous les instants

Le mot « dressage » (qui relève du cirque) doit être banni du vocabulaire cynophile, car il s’agit, bien entendu, d’éducation. Elle ne se fait pas d’un simple coup de baguette magique et demande du temps. Un chiot dont le maitre s’occupe quotidiennement, et qui partage sa vie, apprendra beaucoup plus vite qu’un autre. Eduquer en partageant le maximum de moments, c’est cela qui contribue à le former et lui faire comprendre ce que l’on attend de lui. Bien entendu, avant de vouloir le créancer dans une voie, il faudra le faire chasser. En principe, un chien de pied ne va pas au bois en liberté. Il porte la botte, un large collier auquel est attachée la longe (ou trait), d’une longueur moyenne, en général de 3 à 5 mètres. L’une des choses importantes est d’apprendre au limier à porter gaillardement la botte et marcher devant son conducteur avec assurance.

Le rôle du maitre-conducteur

Celui qui court régulièrement les bois aura toujours un avantage, de même que celui qui observe, car tout est inscrit dans les bois. Il importe donc de voir…  pour comprendre, et pour cela, il faut que l’équipe chien-conducteur soit complice et complémentaire. Si l’un a connaissance des passages et des habitudes du gibier, l’autre saura dire quand il est passé, et où il est allé… Le conducteur commencera donc sa quête face au vent, ce qui permettra à son chien de travailler plus sereinement et limitera les risques d’être éventé par le gibier. Beaucoup de conducteurs ont fait leurs premières expériences dans la voie du lièvre, ce qui est incontestablement la meilleure école. D’abord elle s’apparente fortement à la chasse du sanglier, excepté bien sûr la nature de l’animal. Mais si l’on supprime le ferme, il s’agit bel et bien, en fait, de rapprocher et de lancer un animal qui est gité ou baugé. La finesse de la chasse du lièvre est toujours matière à réflexion, et dans cet exercice on apprend donc à se maîtriser. Ainsi, par exemple, si les chiens trop froids ne sont pas souhaitables, les trop fougueux doivent être modérés s’ils veulent goûter à la voie. Être toujours près du chien, se calmer soi-même, ne pas perdre courage, sont des choses qui peuvent paraître évidentes, et pourtant… Combien de voies perdues ont été retrouvées alors que l’on n’y croyait plus, ceci grâce à la persévérance et à l’envie de réussir. Ceci demande des capacités physiques évidentes, surtout sur les grands massifs et territoires escarpés, où il faut souvent procéder à des « coupés » qui mettent les jambes et le souffle à rude épreuve. Le succès est à ce prix !

Sur les traces du sanglier

C’est une tâche parfois difficile, surtout si elle oblige à faire des découpés, souvent longs et pénibles. La bête noire, très erratique, peut parcourir bien des kilomètres en une nuit et se rembuche rarement dans le canton d’où elle est partie. Il faut aussi faire attention à ne pas le serrer de trop près car il aura vite fait de vider les lieux, vouant à l’échec, l’attaque prévue. Le sanglier a besoin d’un « toit ». On le trouvera donc dans les épais fourrés, de préférence bien exposés. En hiver, il ne sera jamais sur un versant froid exposé au nord et au vent, et par temps de pluie, vous le trouverez dans une combe abritée des vents d’ouest. Faire le pied suppose donc une bonne connaissance du territoire mais aussi des traces que l’animal laisse à son passage. Les gardes sont bien marquées et régulièrement, il met le pied de derrière dans celui de devant. Son déplacement se signale également par des boutis plus ou moins profonds, selon sa grosseur et sa force, se qui se juge aussi dans les souilles où il se vautre. Les arbres sur lesquels il se frotte vous donneront une idée de sa taille. Un sanglier s’en va « d’assurance » quand il n’a pas encore fait sa nuit. Inutile donc de commencer à travailler une voie tant que vous n’avez pas pris connaissance de boutis. S’il n’en fait pas, c’est qu’il avance sans fouiller, et dans ces conditions, il sera impossible à fermer. En revanche, quand il a fait sa nuit, il laisse ici et là un petit coup de boutoir que vous jugerez frais si la terre n’est pas effritée et lessivée par la rosée du matin. Dans ce cas, vous pourrez le suivre jusqu’à son fourré mais attention, n’y pénétrez pas et retirez-vous discrètement pour aller faire le coupé, afin de s’assurer qu’il n’en sort pas. Les sangliers, et en particulier les vieux, font souvent des fausses entrées. Ils rentrent au fourré, en ressortent, puis rentrent un peu plus loin… Dés que vous voyez ce genre d’empreintes, méfiez-vous, il n’est pas loin.

Chiens de pied et rapprocheurs

Il arrive souvent que l’on emploie un rapprocheur pour faire le pied. Le travail des rapprocheurs, bien qu’il s’apparente, n’est pas le même, et commence là où finit le travail du chien de pied. Ainsi les rapprocheurs, s’ils doivent être suffisamment pourvus en nez, doivent aussi être perçants et débrouillards, courageux mais pas téméraires, car ce sont eux qui vont se retrouver à l’attaque, qui commence bien souvent par un ferme, le temps que l’animal se vide avant de prendre son parti. On trouve ces chiens parmi les griffons, en particulier le Nivernais, le Fauve de Bretagne, les Vendéens, mais aussi le Bruno du Jura, le Beagle-Harrier et tous les chiens du midi (Gascons saintongeois, Bleus de Gascogne…).