vendredi 16 décembre 2022
Encore un Prix Goncourt dans la gibecière d’un chasseur. Encore un combattant de la Grande Guerre, lui aussi parti la fleur au fusil… Malheureusement, ce n‘était pas dans le canon de son « Idéal 3R » de la Manufacture de Saint-Etienne, mais dans celui d’un Lebel aux munitions de guerre. Evoquons donc la vie de Louis Pergaud, qui est un drame en quatre actes. Ses racines franc-comtoises vont irriguer toute sa courte vie. Pergaud nait en 1882 dans un foyer d’instituteurs. Mais les hussards de la République laïque sont mis au ban par la population, fort pratiquante, du plateau comtois. Aussi, le jeune Louis suivra les mutations successives de son père, de Nans sous Sainte Anne, à Guyans-Vennes. Ce sera là ses premières imprégnations fortes avec le milieu des chasseurs locaux. Second acte, il lui faut surmonter le traumatisme des décès de ses parents, durant sa formation d’instituteur à l’Ecole Normale de Besançon. Le recrutement local le fait affecter également sur le plateau comtois et c’est le retour aux paysages de sa jeunesse. Ses premiers postes d’instituteur rural lui apportent une modeste satisfaction, mais pas la reconnaissance des parents d’élèves toujours hostiles à l’éducation laïque. Heureusement, à Landresse, après ses heures de classe, il y a la chasse sur les prés et friches communales. C’est une évasion avec ses compagnons de la gâchette, loin de ses soucis quotidiens et conjugaux. Il y fréquente le fameux papa Duboz, truculent rabelaisien et père de sa seconde épouse, Delphine. Troisième acte, la montée à Paris, en 1907, avec sa seconde épouse qui le soutient. C’est un couple heureux que montrent les lettres dédiées à « son petit Cricri gentil ». Enfin, notre auteur trouve sa voie. Il quitte l’enseignement, abandonne la poésie pour écrire ses textes de prose dans la veine animalière. En 1909, son premier roman est édité par le Mercure de France, grande référence de l’édition de l’époque. Et c’est la consécration immédiate avec le huitième prix Goncourt, doté de 5 000 F. Car, face au provincial Pergaud, que de grands auteurs en compétition : Apollinaire, Colette, Gaston Roupnel, Jean Giraudoux… Mais Pergaud reste toujours un peu gauche et critique dans les milieux bourgeois, comme l’indique ce passage de lettre : « Nous étions dans une sorte de château bourgeois, richement meublé, au luxe un peu béta de parvenu… ».
Par Louis-Gaspard Siclon
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