Comment ce diable de marquis, aristocrate jusqu’au bout de son fouet de chasse, peut-il encore nous emporter au fil de ses récits ? Théodore de Foudras, toujours cité, rarement lu et apprécié à sa juste valeur, est né à Falkenberg en 1800. Son père Alexandre, ancien guidon de la Gendarmerie de Lunéville, était d’une noblesse remontant jusque dans les brumes de l’an 1100. Mais la Révolution avait jeté à bas cette haute position dans la noblesse de Bourgogne, et l’avait contraint à l’émigration. Veuf, c’est en Allemagne qu’il a épousé Antonia de Schelgenberg. Elle était de cette noblesse prussienne qui, derrière les Chevaliers Teutoniques, avaient à la pointe de leur épée, conquis, évangélisé, fait fructifier les plaines de la Poméranie et de Silésie. Aussi, dans le salon en fin de journée, les conversations devaient être de passionnants échanges, où Alexandre de Foudras évoquait avec nostalgie la douceur de la France du 18e siècle, et sa femme lui répondait sur la grandeur de ces junkers dont les territoires étaient encore mis en valeur par des serfs. Rentré en France en 1803, Théodore eut la vie gâtée de tout jeune châtelain fils unique. Son premier fusil, son premier cheval, voilà des cadeaux qui marquent et confirment une vocation. Mais, l’insouciance de ce retour n’avait pas atténué les désastres financiers, nés des troubles révolutionnaires. Des contrecoups de fortune l’obligèrent à vendre la propriété familiale de Demigny en 1839 et à chercher, dans la publication de romans, une source de revenus. Adieu la vue sur les coteaux de Puligny-Montrachet. A quoi tient une carrière littéraire ! Son premier coup d’essai fut un coup de maître, avec la publication des nouvelles des Gentilshommes Chasseurs, en 1848. Des nouvelles où apparaissent les silhouettes de ces veneurs dont les exploits défient l’imagination. Le grand art de Foudras est de fondre, en un amalgame subtil, la vérité tirée de souvenirs narrés par ses parents, des siens accumulés durant trente ans de laisser-courre et l’invention qu’il repousse dans les ultimes, des bornes de la vraisemblance. Son habileté est telle que le lecteur ne peut distinguer le registre de l’imagination créatrice de l’histoire vécue. Le genre du feuilleton est la grande invention littéraire de cette période. C’est un genre à part où s’illustrèrent Eugène Sue et notre glorieux Alexandre Dumas, rythme rapide, écriture serrée…
Par Louis-Gaspard Siclon