La richesse de la flore et de la faune…
Il est possible de croiser ici de petites hardes de cervidés dans les nombreuses pâtures à moutons qui constituent les fermes et domaines environnants. Lors de la saison du brame, il n’est pas rare de trouver des cerfs et biches sur les plages, mais également en bordure des chemins et des villages principaux : Kames, Millhouse, Tighnabruaich ou encore autour du port de Portavadie. Au détour des petites routes à sens unique, des chevreuils broutent l’herbe des fossés et des renards se défilent, de peur de croiser un quelconque fermier. Ici, tout le monde se connait et il est difficile de survivre en prédateur de poulaillers, mais le rusé s’habitue à ce jeu et, le ventre plein, regagne son terrier sous les rhododendrons invasifs de la péninsule écossaise. D’autres prédateurs, bien plus protégés, cohabitent sur les plages et prairies côtières. Il s’agit des loutres, parfois en concurrence avec les nombreux pêcheurs du coin, plus aguerries et d’une agilité sans pareille à attraper les poissons d’eau douce ou salée. Cependant, elles aussi ont la fâcheuse habitude de s’aventurer un peu trop près des basses-cours, quelquefois confondues, la nuit, avec les blaireaux, vivants également en nombre dans les forêts de résineux de la presque-île. En vous promenant au bord de mer, selon la saison, vous apercevrez des phoques, soit au repos sur la plage, ou sortir simplement la tête de l’eau pour vous observer. Une rencontre pourtant habituelle par endroit, selon la marée.
… et celle de la mer
Au printemps, des marsouins et des baleines viennent frôler les côtes du Kyle of Bute, et au-dessus d’eux, l’aigle pêcheur qui est suivi de près par les objectifs des appareils photos et autres cameras, à l’affut de ses plongeons spectaculaires. Le nombre d’oiseaux vivants aux abords de cette région est plutôt conséquent. Des dizaines de canards survolent régulièrement forêts et prairies : sarcelles, siffleurs et colverts allant de mares en mares, garrots et eiders longeant les côtes, accompagnés par le chant incessant des centaines d’huitrier-pies et autres courlis. Selon la période de l’année, vous verrez des vols d’oies sauvages, cendrées, becs courts ou bernaches cherchant l’herbe la plus verte, et cela avant les premiers chants matinaux de grives, merles et autres oiseaux de campagne, plus petits mais tout aussi beaux, et dont les mélodies appellent agréablement à plonger dans cette nature inimaginable pour nous.
La haie de la surprise
Lors des différentes randonnées que j’ai pu réaliser sur les côtes ou collines de ces territoires, j’ai eu de nombreuses surprises. Je me souviens de cet après-midi ensoleillé de septembre, 18 km de marche dans la tourbe et la boue à la recherche d’un quelconque animal à qui tirer le portrait. Les premiers kilomètres furent longs à travers la forêt, malgré la présence de nombreux oiseaux, mais sans une luminosité suffisante pour prendre un cliché de qualité. Un peu déçu de mon faible rendement, je décide alors de rejoindre les prairies en bord de mer, afin d’y capturer ces paysages dont on ne se lasse jamais. Arrivé à l’endroit voulu, je me cale derrière un petit buisson et prends mes premiers clichés de l’après-midi. Un huitrier-pie sur un rocher, un phoque allongé au soleil, la vue sur l’ile montagneuse et mythique d’Arran et les rayons de soleil qui se reflètent dans l’eau calme de la mer. Tout cela est dans la boite ! Assez fier d’avoir immortalisé cette luminosité et ce décor magique à mes yeux, je fais une petite pause, toujours au même endroit. Un petit biscuit Bakers à la crème de citron dégusté, arrosé d’une bonne gorgée d’eau fraiche, et je décide de profiter du soleil écossais si rare, mais qui, quand il pointe le bout de ses rayons, ne fait pas les choses à moitié. C’est alors qu’en m’appuyant sur le petit buisson, le pensant idéal pour y faire une sieste, un craquement sec se fait entendre, précédant le bruit des galets qui s’entrechoquent sur la plage… Un jeune cerf portant 6 cors, dérangé par mon audace, venait de s’extraire de cette minuscule haie où il était couché. Vision magnifique et tellement surprenante que je n’ai même pas pensé à le mettre dans l’objectif. Mais le cliche « mental » saisit sur le vif restera bien gravé dans ma mémoire. Cette image en tête, c’est donc sourire aux lèvres que je continuais ma randonnée photographique.
Délicieuses approches
En fin d’après-midi, au détour d’un buisson, sur une parcelle de forêt coupée, j’aperçois un faon de chevreuil et sa mère. Après une superbe approche sur 150 mètres, me voici à une petite quinzaine de mètres d’eux, derrière une souche de sapin, mon téléobjectif de 300 mm à la main retentit de son petit « clic ». Plus loin, un brocard m’observe et fuit en aboyant. Le soleil se couche doucement et le ciel s’enrichit d’une multitude de nuances d’orange, de jaune et de rose. Quel magnifique endroit ! C’est mon second « chez moi », j’y ai travaillé et j’y chasse encore plusieurs fois par an. Sur le retour, vers mon gite d’Ardlamont Estate, je dérangeais un petit groupe de canards et eus la chance d’être entouré de deux hardes de cervidés. La première, que je surplombais, se trouvait dans une grande prairie, et la seconde, en crête, m’observait et se trouvait à mauvais vent. Je décidais donc de finir sur une approche de dernière minute, rapide et discrète, à bon vent sur le premier groupe. Longeant un fossé arboré, un renard se défilait dans les hautes herbes, au beau milieu d’un groupe de moutons bien dodus. J’arrivais au terme de ma tentative, mais à 40 mètres des cervidés, je décidais de ne pas aller plus loin. La nuit tombait vite et je ne voulais pas risquer de les déranger dans leur paisible soirée au bruit des vagues. C’est donc après quelques clichés que je fis demi-tour sans rien brusquer. Le dernier gibier observé dans cette pénombre fut une bécassine qui s’envola dans mes pieds. Elles se trouvent en bon nombre dans ces prairies humides. J’observais alors le ciel nocturne, vide de nuages et d’oiseaux. C’est la « golden hour », celle qui annonce l’arrivée des bécasses, quand, à la fin novembre, elles descendent des pays nordiques pour passer l’hiver sur cette côte. C’est donc en fin d’année que l’on a la chance de les observer par dix ou vingt, tous les soirs, depuis notre lodge.
Quand les souvenirs préparent l’avenir…
Je me souviens alors de la saison passée et pense à celle qui arrive, tout en planifiant dans mon esprit les futures journées de chasse. Ces promenades me permettent en effet de visualiser les bons coins et de penser aux prochaines journées de chasse. Mes premiers chasseurs bécassiers de la saison arriveront début décembre, quasiment certains que les bécasses seront au rendez-vous. Pour nous, organisateurs et guides, c’est, avec le brame du cerf courant octobre, un moment attendu. Je me souviens qu’au beau milieu de ces collines, sur les hauteurs d’Ardlamont, dans les ajoncs qui bordent la vaste prairie, nos springers spaniels avaient levé un jour quatre bécasses dans le même buisson. Mes deux chasseurs, lors de ce séjour, venus de la région Centre, étaient restés figés par la beauté de cette action. Pourtant, ici, il n’est pas rare de faire 15 à 20 levées par jour, parfois plus, parfois un peu moins… car c’est bien toute la beauté de ce gibier délicat à chasser. C’est quand on pense le connaitre qu’on se fait avoir par cet oiseau majestueusement sauvage et malicieux. Sans un bon chien expérimenté, la bécasse gagne bien souvent sur le chasseur, et faut-il encore que ce dernier soit une fine gâchette pour arrêter l’oiseau dans son « zig » ou dans son « zag » entre les arbres et les branchages… Je me remémore également, qu’un peu plus loin, en bordure de l’autre prairie et du bois de résineux, une bécasse tenue à l’arrêt par le setter d’un autre de mes chasseurs, avait finalement décollée en faisant un « U » dans la végétation. Mon chasseur qui était venu en Écosse pour la première fois, avait pu la prélever au 2e coup de son petit calibre 20. Ce fut un merveilleux moment de convivialité, une première bécasse écossaise pour lui, mais également l’une des premières bécasses de sa vie à l’arrêt de son chien. C’est pour des moments comme ceux-là que je guide depuis maintenant cinq ans pour Dima Hunting, sur les terres de la magnifique région d’Argyll. Nous ne proposons pas d’énormes tableaux, mais avant tout, le partage d’une chasse authentique, dont vous vous souviendrez par la beauté des paysages, le côté sauvage et la diversité des animaux chassés, ainsi que les bons moments de convivialité qui seront partagés avec les guides de notre équipe.
Le bout du monde à portée de main
Comme toute fin de randonnée photographique, je conclue ma journée au coin du feu, un verre de whisky à la main, un malt d’Arran « on the rocks », à boire avec gourmandise et modérément, racontant à mon ami propriétaire du domaine mes rencontres cynégétiques, en lui rappelant la chance qu’il a de vivre ici, dans cette région si sauvage et authentique, dont la faune est encore respectée et chassée sans obligation de résultat ou de minimum. Lui me raconte sa merveilleuse sortie de pêche en mer, sur son petit bateau, ainsi que sa prise d’une paire de homards, que l’on dégustera ensemble au dîner…
Hubert Maës
Photographe Dima Hunting. Tél.: +33 676 616 283
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