L'événement était relaté en ces termes le lendemain, par « Le Petit Journal » : « Si nos excellents soldats du génie, détachés à l’école de Chalais, se plaignent de leur sort, ce seront des ingrats. On vient de leur fournir l’occasion d’un coup de fusil peu ordinaire. Généralement, la chasse au tigre est plaisir réservé aux princes et aux archi-millionnaires. Le déplacement est long et coûteux, il faut aller aux Indes, l’organisation de la chasse est difficile et délicate, étant donné que la plupart du temps, une poignée de rabatteurs reste dans les griffes de l’animal de chasse. Dans certaines régions de l’Afrique, nous contait l’autre jour Grosclaude, on envoie une masse d’hommes à peine armés contre le lion. Il en égorge beaucoup, mais comme il ne peut tout mettre à bas, on finit par le prendre. C’est simple et pratique, n’est-il point vrai ? Les soldats de Chalais, eux, n’ont point couru de dangers. Ils ont pourtant tué leur tigre comme s’ils avaient été le prince de Galles lui-même. Pour cela, ils n’ont pas eu besoin d’aller plus loin que la forêt de Meudon. Un jeune tigre, échappé d’une voisine ménagerie, s’était réfugié parmi les muguets fleuris du bois. Impossible de le décider à réintégrer, et d’autre part, son voisinage s’inquiétait. Personne n’osait plus aller au bois cueillir la fraise. Or, la Pentecôte approchait. On prit donc un grand parti : une compagnie de soldats cerna le tigre, et l’abattit d’une décharge générale. Pauvre bête ! Je sais bien qu’il le fallait, mais cela attriste tout de même… ».