Le RDV est fixé à neuf heures jeudi matin chez lui. Arnaud, ami commun, chasseur « autoursier » non pratiquant, nous rejoindra avec le pain et le dessert pour treize heures. Pierre se charge de la cheminée dans le rdv, du café et des entrées. Je prends la réalisation du plat principal. J’ai l’idée de concocter, en cuisson longue, une daube de cerf, accompagnée de ses patates, de vin rouge, un peu d’eau, un bouquet garni, un filet d’huile et trois oignons pour le sucré, en assaisonnant le tout correctement. En chemin, j’ai croisé un renard affamé qui me regardait sans inquiétude. Le givre, bien présent, blanchit légèrement la strate herbacée de la forêt. Quelques vols de pigeons survolent les chênes pour aller se poser dans les arborescents des haies qui découpent les plaines ceinturant le domaine de Mr Pierre. Juste avant mon point de chute, j’aperçois un coq faisan obscur qui s’approche d’un agrainoir ; il est splendide dans son smoking noir brillant !

Neuf heures sonnent au clocher du village, j’arrive à la Genardière. La cheminée chauffe déjà l’unique pièce du rdv. Pierre sourit et me souhaite la bienvenue en ajoutant qu’il est heureux de me voir. Je lui réponds que le plaisir est partagé. J’admire la décoration de cette pièce chaleureuse, comme son propriétaire. Des trophées et des massacres de brocards ornent la poutre principale. De vieilles affiches vantant des emprunts d’Etat du début du 19e complètent la déco. Un crépi à la chaux sur tous les murs intérieurs apporte une touche très sympathique tout en éclairant cette ancienne grange rénovée. Des poutres de chênes et de châtaigniers portent un plancher et composent un plafond « à la Française ». J’ai acheté en chemin quelques viennoiseries que nous dégustons avec Pierre en échangeant quelques mots. Je vois bien posé au bout de la grande table, le fusil ouvert de mon ami, une sacoche à cartouches et une veste, mais je ne m’attends pas à la surprise qu’il me fait. Hubert, je te propose une billebaude en espérant lever quelques bécasses. Ma chienne Drahthaar âgée de neuf ans est exceptionnelle sur les oiseaux même si je l’ai « cassée » en la faisant chasser le gros gibier. J’affiche mon étonnement et je lui avoue ma surprise en acceptant son idée. Il me dit que les vols de palombes sont moins nombreux et que les récents changements météorologiques ont fait bouger les mordorées donc nous en verrons, c’est sûr !

Nous nous équipons et nous partons à pied après avoir « bourré » la cheminée. Nous empruntons l’allée royale, bordée de châtaigniers datant d’Henri 4, et nous parlons en toute liberté. Des confidences sur nos anciennes vies nous emportent et nous font rêver. Un peu aveugles, pas encore à la chasse, nous ne voyons même pas un pigeon ramier qui décolle devant nous, à vingt mètres. Nous le regardons s’échapper et nous sourions. Le soleil brille et la forêt reluit grâce au givre. Pierre me présente la manœuvre qu’il imagine pour nous permettre de bien chasser ensemble. Compte-tenu du vent, nous allons descendre le périmètre en restant sur le chemin délimitant un côté de la propriété et nous remonterons, vent dans le nez, plus favorable pour la chienne « Hilton », dans les zones tapissées de bruyères et de genêts.

Nous rentrons dans la parcelle exploitée il y a cinq ans en bois-énergie. Ce qui vous renseigne sur la pauvreté de la station forestière. Des jeunes bouleaux et des petits trembles surplombent un tapis de bruyères en fleurs, toutes givrées. Hilton chasse, de droite à gauche, je le suis des yeux et l’encourage un peu. Il quitte une zone tapissée de petits joncs et d’ajoncs. Il rentre dans les gaules de bouleaux en faisant trembler les jeunes peupliers tremble. Il ralentit son allure, lève le nez, stoppe et une bécasse des bois surgit, sort des perches, montent en zigzags et juste avant le pin sylvestre qui aurait pu la sauver, elle écarte les ailes une dernière fois et se laisse tomber pour arriver sur une touffe d’ajoncs en fleurs, toutes jaunes pour mieux éclairer « la belle mordorée ». Je suis heureux, surpris de mon tir et de mon exploit. Hilton rapporte l’oiseau à son maître qui me la tend avec émotions, admiration et tiens à me féliciter. Nous caressons la chienne, nous sommes ravis et Pierre d’ajouter : en plus, elle était déjà loin, plus de 25 mètres et tu l’as eue. Je savoure et mon bonheur doit se lire sur mon visage, ce qui ravit Pierre. Nous poursuivons notre quête. Il faudra parcourir en grande partie le domaine pour rencontrer un autre oiseau. Vers midi quinze, nous ralentissons notre avancée en virées bien établies, des flaques d’eaux stagnantes, des herbes sèches, un pied de houx, des houppiers de chênes abandonnés et là, une bécasse surprend mon ami Pierre, qui vise, tire ses deux coups, mais celle-là obtient son salut, ratée !

Nous décidons de rentrer en affichant notre complète satisfaction. Des vols de palombes passent, des ramiers s’envolent des châtaigniers, des merles et des grives piaillent en s’échappant à tire d’ailes et la nature retrouve son calme et sa sérénité bien méritée. Pierre partagera avec Arnaud et moi, son whisky préféré, un Japonais qui affiche 51.4 degrés au compteur. Très séduisant ce liquide ambré, légèrement boisé avec des parfums débridés, qui ravit nos corps maintenant réchauffés, grâce à lui. La suite sera tout aussi ravissante et s’achèvera avec une poire williams du Loiret qui elle, annonce 52 degrés. De palombes à mordorée, il existe un monde d’émotions très particulières, que je recherche au travers des plumes afin de me lover dans le duvet si particulier du bonheur unique qu’offrent ces instants magiques.