L’équipe des copains :
Elle se mérite, car on atteint ici l’excellence au niveau du territoire et du biotope. Comme je vous l’ai expliqué plus haut, une grande zone marécageuse s’étend entre les étangs et les plages du Lotu et de Saleccia, avec des ruisseaux et des sources. Ce qui veut dire que c’est très favorable aux canards et autres oiseaux d’eau, pour les passées du soir et du matin. Hélas, les sècheresses persistantes des deux dernières années ont mis à mal les ressources en eau limitant ainsi les possibilités de cette chasse. Le désert des Agriates est aussi un excellent territoire pour la perdrix, qui s’y défend merveilleusement bien. Ayant participé la saison précédente à une chasse de quatre heures dans cette végétation, je suis revenu à midi « lessivé ». Il faut des chiens d’arrêt requérants, vifs et ne craignant pas les épines. Ici le perdreau se mérite ! Les migrateurs (grives, palombes et bécasses) y font des haltes et sont l’objet de toutes les attentions des « nemrods » locaux, avec des postes d’affut pour les deux premiers et des recherches ardues pour la demoiselle au long bec. Il y a aussi du lièvre et par endroit du lapin. Un superbe territoire pour le petit gibier, très ardu à chasser, mais oh combien passionnant. Mais le gibier roi, objet de toutes les attentions demeure le sanglier, « u signale » comme on dit en Corse. Dans le maquis, il est ici chez lui et se permet de faire des petits « coucous » impromptus aux locaux, parfois même en plein jour. D’ailleurs, le vendredi en fin d’après-midi lorsque nous nous sommes rendus chez Jo, avec mon ami Ange, nous en avons croisé quatre différents, dont un joli mâle. Car pour se rendre au lieu de rendez-vous, à partir du hameau de Casta, il faut suivre une piste en 4x4 pendant presque une heure, dans une végétation luxuriante et un paysage superbe. Et on arrive au paradis…
Jo Solier, un personnage haut en couleur
Autour de lui, une équipe de copains qui ne se prennent pas la tête et qui ont su garder du plaisir à la chasse du sanglier. J’ai l’impression, toutes proportions gardées, de retrouver les valeurs de ma jeunesse dans cette chasse atypique. Donc une équipe de copains autour de Jo Solier, personnage haut en couleurs, pour lequel j’ai beaucoup de respect, qui réside à l’année sur ce territoire, y chasse, y pêche, plante ses légumes et profite d’une vie de liberté dans une nature préservée. Heureux homme ! Autour de lui, se sont agrégés une dizaine de copains porteurs des mêmes valeurs et aimant la chasse du sanglier passionnément. Alors ici, pas de course au score, cette équipe tue bon an mal an de 15 à 20 sangliers (14 précisément pour la saison dernière), et chacun s’y régale. Le territoire chassable est vaste avec la possibilité d’y faire de nombreux tènements. Les chasseurs ont aménagé le maquis pour rejoindre les postes de tir. Au poste, il faut être attentif, car les tirs sont courts, voire très courts, au saut de la piste ou du layon, et la chevrotine y tient parfaitement son rôle. Et les piqueurs me direz-vous, ils sont vaillants, aguerris au biotope, sans doute cousins éloignés des sangliers, tant ils arrivent à se faufiler comme eux au milieu du maquis pour les débusquer. Les chiens sont du même « acabit », vaillants, courageux, ne craignant pas les épines, capables de rapprocher, de lever, de mener, de tenir le ferme, en un mot : polyvalents et bons (jagd, griffons, chiens de pays). Ici, pas ou peu de cultures, donc pas ou peu de dégâts, et puis on se débrouille !!! Le décor est planté pour la battue du lendemain, nous ferons la traque du Niolincu, d’environ 80 hectares. La soirée se passe sur la terrasse chez Jo autour d’une merveilleuse soupe Corse et de délicieux fromages Corses, avec pour décor la baie de Saint Florent et au-dessus de nos têtes les étoiles. En allant nous coucher, nous les avions dans nos têtes, car la soirée a été animée par des discussions à n’en plus finir, sur « u signale », vous l’avez deviné. Jo nous avait fixé rendez-vous à 6h45 précises le lendemain pour le café, et pour une fois, je n’ai pas rêvé de sangliers !
La battue du 8 octobre 2022
A l’heure fixée, Jo nous attendait avec le café et les croissants. A ses côtés, Ange qui m’a fait découvrir ce territoire et que je remercie pour l’aide précieuse qu’il m’apporte afin que je puisse travailler dans de bonnes conditions pour écrire ces lignes. Etaient présents également Lionel dit « Manolo », car il est fou de flamenco, puis Vincent beau-frère de Jo, accompagné de son braque « Saëta » qui le suivra au poste, et enfin mon épouse Marie-Pierre. A 7h15, départ pour le lieu de rendez-vous pas très éloigné. Arrive ensuite au lieu-dit Georges, le piqueur, accompagnés de ses 5 chiens. Il jouit ici d’une grande réputation, car il est dit aussi « leste » que les sangliers corses. Puis arrivent les deux derniers : Dominique dit « Doumé », ancien garde-pêche, « fana » de sangliers, à l’humour irrésistible, avec son jagd terrier nommé « Django », mais que tous ses amis surnomment « Pavarotti » tellement sa voix est puissante derrière les sangliers, puis Pierre dit « Peter », un bon géant débonnaire, mais à l’œil vif et malicieux. Le plan de traque est établi, les consignes de sécurité rappelées et nous partons vers un parking chasse en 4x4. Il y a deux lignes de tir autour de la traque du Niolincu. Nous serons sept au poste et un piqueur pour cette battue atypique. La première ligne, au bas, est composée de Jo, Doumé et Pierre. Les quatre autres postés plus Marie-Pierre, sous la conduite d’Ange, allons faire une marche d’une bonne vingtaine de minutes pour rejoindre nos postes à travers le maquis. Et comme ça « grimpe » raide, nous essayons d’être très silencieux. Sont successivement placés Vincent, Lionel, Ange et moi. Les postes sont assez proches les uns des autres, sauf le mien, un peu plus à l’écart sur un vaste rocher vaste. Deux fenêtres de tir sont possibles, pas très larges, mais c’est jouable. Pendant que Marie-Pierre s’installe à mes côtés, je charge mon arme…
Des sangliers « marioles »… c’est certain !
De mon poste, la vue, superbe, donne sur le golfe de Saint-Florent. Le ciel est sans un nuage, et il est maintenant 8h30. Les chiens sont découplés par Georges au bord de l’étang et vont batailler pendant plus de deux heures dans cette végétation agressive, avec la chaleur qui peu à peu va s’élever. Les sangliers, eux, étaient bien là, car les chiens lèveront par deux fois plusieurs « bêtes noires » en bord d’étang, et les bousculeront dans le maquis, par des menées vives. La chance n’était cependant pas de notre côté, car les sangliers, vus par le piqueur, s’échapperont en traversant carrément la plage du Lotu, nous tournant le dos pour sauver leur « couenne ». A onze heures, la fin de battue est annoncée, car il fait plus de 20°, et les chiens sont fourbus. Immédiatement abreuvés d’eau fraiche et mis au repos à l’ombre, ils récupéreront rapidement. Quant aux chasseurs, retour aux 4x4 et nous partons tous chez Jo, pour faire quelques photos et partager un moment de forte convivialité qui a duré une bonne partie de l’après-midi, avec un super repas, accompagné d’anecdotes plus fortes les unes que les autres. Notre ami Paul, qui nous a gentiment hébergés, s’est joint à nous pour partager ce moment d’amitié. Je vous avais dit, battue atypique, c’est bien vrai ! Je vous avais dit aussi une équipe sympathique, je confirme ! Et j’avais laissé entendre des sangliers « marioles », c’est certain ! Nous quitterons à regret le désert des Agriates, pour rentrer à Bastia. Que soient remerciés ici tous nos amis : Jo qui nous a accueilli, Ange chauffeur émérite, et l’équipe des copains « Amici » qui nous ont permis de vivre cette journée merveilleuse ou la chasse de « u signale » et l’amitié étaient omniprésentes.