Est de la France, janvier 1941. Les plus jeunes hommes sont en premières lignes et à l’arrière, ceux qui restent sont enrôlés par l’occupant… Modeste mouleur dans une fonderie réquisitionnée par l’armée allemande pour fabriquer la coque de l’offensive grenade « CF », Marcel, bûcheron occasionnel par obligation, se rendait ce dimanche-là dans les bois de la Reine Blanche.
Il chargea d’une façon fort méthodique sa bicyclette, pour rejoindre le chantier qui était à une petite dizaine de kilomètres de son domicile. Sur le guidon, la musette qui contenait la subsistance de la journée trouva sa place, et, fixé le long du cadre de la machine, le passe-partout, dents dirigées vers le bas, frôlait dangereusement le caoutchouc craquelé du pneu avant, tandis que sur le porte bagage arrière, la hache, la masse, la scie à main et les coins étaient soigneusement attachés à l’aide de ficelles. Une bonne heure de route pour franchir la distance était nécessaire, car les montées étaient gravies à pied, le déséquilibre de la charge pouvant nuire à celui de la machine à faible vitesse. Arrivé sur les lieux, son premier travail consistait à allumer le feu qui le réchaufferait et cuirait la maigre pitance du repas de midi : quelques pommes de terre, une tranche de lard qu’accompagnait un morceau de pain noir et deux pommes. Deux gourdes contenaient la boisson de la journée, l’une remplie d’eau et l’autre de « piquette », cet ersatz de vin fait d’ajout de sucre et d’eau dans les marcs, après extraction des premiers jus. Occupé à ramasser quelques brindilles de bois sec, Marcel entendit sur la place à feu de la semaine précédente un petit gémissement. Intrigué et inquiet en ces temps troubles, il regarda vers l’endroit d’où venait ce bruit, ne vit rien et se remit à sa quête de bois mort. De nouveau, plus aigu, un autre gémissement se fit entendre. S’approchant alors précautionneusement, il aperçut dans les cendres une petite boule de poils. Il ne sut jamais par quel malencontreux hasard une laie avait laissé là un marcassin d’un jour ou deux.
Côté Loisirs, Les Récits...

Il y a exactement 118 ans, dans son édition du 23 décembre 1906, « Le Petit Journal » relatait une partie de chasse particulièrement mouvementée, qui laissa, près d’Arroncheo, au Portugal, quelques morts sur le terrain et de nombreux blessés. Ce jour-là, les valets de limiers avaient détourné une énorme compagnie de plusieurs dizaines de sangliers, trente à quarante selon certains, près d’un cent selon les autres. Laies en chaleur et mâles en rut se sentant pris en tenaille par les chiens et les chasseurs, ne sachant plus par quel côté ils pouvaient fuir, ont fait face. Dans les violents heurts qui suivirent, les meilleurs chiens subirent les charges mortelles des bêtes noires, et, en deux minutes, seize chiens, parmi les meilleurs de la meute, furent tués sur place, alors qu’une vingtaine d’autres, horriblement décousus, fuyaient le champ de bataille, cuisses, gorges et flancs ouverts. Au milieu de la mêlée, le Roi du Portugal et le prince héritier, accompagnés du marquis de Ferra et du comte de Molina, subissaient aussi les assauts des sangliers. Les chevaux de ces derniers prirent peur, jetant à terre leurs cavaliers. Le premier se fractura l’épaule dans sa chute, quant au second, il fut traîné, le pied coincé dans l’étrier sur plus de cent mètres. Il s’en tira avec de très sérieuses contusions, griffures au visage, épaule démise et entorse à la cheville. Mais la plus honorable victime de la journée fut le roi Carlos lui-même, qui vit son cheval périr entre ses jambes, atrocement éventré par un grand vieux sanglier, « plus haut qu’un âne » ont raconté les témoins…
Ma réponse invoqua le besoin de prendre l'air et de sortir les chiens, ce qui fera du bien aux uns et aux autres. Franchissant le pas de la porte, ma douce moitié m'invite alors à être prudent et surtout à ne rien ramener… Je la rassure en lui rappelant que la veille, des chasseurs sont venus faire tout le coin et il n'y a guère de chances pour que sangliers et chevreuils soient restés dans les parages. Un peu nonchalant à la suite d’une nuit un peu courte en raison du réveillon, me voilà parti largement précédé par mes deux chiennes qui ne savent rien de Noël mais pour qui, cette sortie est un cadeau. Ici dans notre montagne cévenole, il ne sert à rien de se presser car la montagne ne s'en ira pas, et à cette heure avancée de la matinée, le gibier est maintenant remisé depuis un bon moment. Tout ceci sous-entend que, pour rencontrer des animaux sur pied, c'est raté. Après avoir gravi un dénivelé d'une centaine de mètres, j'arrive à la place du hameau où plus personne n'habite depuis longtemps, mais où des taches de sang et les reliefs d'un pique-nique moderne jonchent le sol. C'était donc ça, hier ils ont fait « Castagno » et sont tombés sur les sangliers. Cette destination située à quelques centaines de mètres au-dessus des dernières ruines du village, avait pourtant ma faveur. Les chiennes, Cachou la teckel et Chipie la drahthaar, c'est un peu double Patte et Patachon, sont très affairées à examiner consciencieusement les emballages plastiques, au cas où une couenne de lard aurait été oubliée. Elles ne font point cas des traces de sang qui maculent le sol. Pourtant moi, si j'étais chien…
Il y a, chez les chiens, des sujets d’exception. Et chez les hommes ? L’histoire aurait pu commencer comme toutes les histoires du monde, mais il n’en est rien. On ne sait plus s’il faisait chaud le jour de sa naissance, mais Rodrigue, aux dires de sa mère quelques minutes après l’accouchement, faisait déjà la pluie… et des mécontents. Dernier né de l’une des filles de la villa « Esperanza », une maison fort accueillante, Rodrigue avait déjà deux frères et une sœur que sa jeune maman ne voyait que de temps en temps, car les enfants lui avaient été tous retirés de sa garde maternelle. Qu’importe, ce quatrième, elle l’avait fait dans la rue, devant plusieurs témoins qui, pour la plupart auraient pu être le père. Et c’est avec la plus grande curiosité qu’ils regardaient, sous les trombes d’eau qu’un violent orage laissait choir, la maman tenter de mettre à l’abri le rejeton. Quand, enfin, en guise d’ambulance, le taxi brinquebalant de Pedro, arriva, son conducteur fut, une fois de plus, pris de pitié envers les deux créatures qu’il conduisit, sans aucun espoir de récupérer le prix de sa course, au dispensaire le plus proche, où officiaient quelques religieuses d’origine française. Elles donnèrent les premiers soins au bébé, s’occupèrent quelques jours de la maman, qui regagna son antre, sans autre regard pour le rejeton qu’elle avait mis au monde. Une douzaine d’années plus tard...
Les piqueux, pour les secourir, doivent en approcher avec précaution et lui percer le cœur d’un coup de couteau de chasse, mais cette opération est celle d’un poignet fort et adroit. « Je l’ai faite un jour au grand plaisir de tous les spectateurs, car le sanglier fit un si grand saut en recevant le coup, qu’il s'en fut avec mon couteau et se fit chasser encore un demi-quart d’heure, l’épée plantée dans son côté ». Il se trouve des sangliers dont la vigueur et la méchanceté sont telles, qu'ils peuvent, en pareille occurrence, mettre en danger les veneurs les plus expérimentés. En témoigne l’accident de chasse survenu le 28 avril 1882 à Tosny, commune du canton de Gaillon. Trente-cinq chiens du vautrait de Monsieur Malfilatre, lieutenant de louveterie pour l’arrondissement de Louviers, étaient arrivés la veille au château de Tosny, propriété de M. de Séguin. Des sangliers étaient signalés depuis quelques temps dans les bois dépendant de ce domaine…
« Jacques Philizot, dit le Guerrier, ainsi surnommé pour sa guerre sans fin contre les loups et les sangliers, est resté fidèle à la vénerie. Il y a quelques années, un louvetier était venu faire une battue dans les gorges et fourrés de Montreuillon, qui abritaient des bandes de loups redoutables. Le rendez-vous se trouvait au pont aqueduc qui fait franchir l’Yonne à une rigole d’alimentation du canal du Nivernais. Le piqueur, homme d’un courage à toute épreuve, paria avec un de ses collègues qu’il passerait à cheval sur ce pont. Le pari fut tenu, et bientôt il apparut sur l’aqueduc, à 33 mètres de hauteur, sur un petit trottoir d’un mètre à peine de large, avec une balustrade qui n’avait que 60 centimètres de haut. Le moindre écart, c’était la chute fatale. Or, au milieu du pont, le cheval prit peur. Les spectateurs poussèrent un cri d’épouvante en voyant l’animal se cabrer, mais, maitrisé et calmé aussitôt par son incomparable cavalier, il continua son chemin et atteignit l’autre côté du pont.
Le pari était gagné… Vous raconter la fête qu’on offrit au vaillant piqueur serait trop long. Le héros de l’aventure dit simplement : « Messieurs, j’ai gagné mon pari et j’en suis fier, mais jamais je ne recommencerai. Il n’a tenu qu’à un fil que je le perdisse. Or, autant qu’à la mienne, je tiens à la vie de mon cheval. Elle m’est trop précieuse pour que je l’expose inutilement ». Le cheval, marqué à la cuisse d'un bois de cerf, était le nommé « Autrichien » en rappel de son pays d'origine. Le Guerrier servit ensuite chez M. Philippe Dupin, à Raffigny, qui entretenait une vingtaine de griffons provenant de chez M. Etienne de la Caenche, des chiens très chasseurs et mordants. C’est dans cet équipage que, lors d’une chasse particulièrement animée, il traversa un bras de l'étang de Vaux à la poursuite d'un grand vieux sanglier, qu'il tua raide d'un coup de carabine, sans mettre pied à terre. Après la démonte de ce petit vautrait, il entra comme garde chez M. Guillemain de Talon, où il termina sa carrière…
Antoine, un solide quadragénaire, chasse sur un petit massif forestier de la région Centre. Dans cette belle Sologne si convoitée par bien des chasseurs de l’Hexagone, il habite un joli petit pavillon, décoré avec goût, dans un village d’une centaine d’âmes. Tous les dimanches, pendant la saison de chasse, il se rend au lieu du rendez-vous, distant de six kilomètres, avec son petit 4x4. A ses côtés, sagement assis sur le siège passager, se dresse fièrement Polux, son chien, issu d’un mélange de races locales. Pas très beau, mais doté d’un sens de la chasse que lui envieraient bien de ses congénères de race pure, Polux, est hirsute comme un griffon, quête la bête noire comme un épagneul breton, et mène à voix comme une meute de Saint Hubert. C’est dire qu’il est sacrément gorgé, le bougre, et capable de vous débusquer un sanglier dans n’importe quelle coupe, pourvu qu’on lui laisse le temps de fouiller toutes les remises possibles. Donc de ce côté-là tout va bien…
Il n’est pas si éloigné le temps où des animaux de toutes espèces étaient donnés en prix à des loteries et autres concours qui occupaient, à défaut d’amuser, les participants aux réjouissances populaires, dans les petits pays de la France profonde. C’est ainsi que, début juin 1961, lors de la fête patronale dans un petit village de Bourgogne, les habitants, leurs invités et la jeunesse des environs étaient venus en nombre pour se divertir. Alors que les agapes se prolongeaient autour des tables, les premiers rassasiés se rendaient sur la place du village où avaient été dressés le bal monté, un manège de chevaux de bois pour les petits, et le traditionnel jeu de quilles, objet des affrontements pas toujours très pacifiques des compétiteurs...
Au jour d'aujourd'hui, vous voyez un véhicule de c’genre-là dans une chasse de première catégorie ? Quelle honte ! Mais c'qui y'avait derrière par contre… Carillon et Tambour, deux chiens de pays p't'ête, mais avec eux, on avait la garantie d'une belle journée de chasse à l'ancienne, vous savez, celle où l'on chasse un sanguier qu'on loupe, et qui alimente les causeries de toute la semaine. Avant, on tuait un sanguier, on buvait trois coups. Maintenant on ne tue que trois sanguiers, on boit rin du tout, sauf les piqueux et leurs amis ! Mais ça, c'est une race à part. Tiens, le Pierre et le Gégène y disaient : « nous quand on est assis dans la deudeuche, on a l'cul sur l'armoire à fusils ». C'est vrai qu'c'était ben pratique, les housses tête bêche sous les sièges, jamais fermées les housses. Tiens, un coup, Gégène pour ça aille plus vite pour dégainer, il avait pas déchargé l'fusil, c'qui fait que, quand il l'a retiré de la housse, y'a l'coup qu'est parti dans la portière du Pierre, qu'avait drôlement ben fait de prendre son temps pour stationner la deudeuche. Ça fait cinq ans de ça, et le trou, l’est toujours pas bouché. C'est pas de la négligence qui disait le Pierre, c'est pour faire causer les gens, et ça marche. Chaque région a sa race de chasseurs. Tiens, l’Denis, un Morvandiau, eh ben la cabine de son tracteur, c'est l'armoire à fusils. Un jour, y passe devant chez son copain Lulu, l'fusil à la bretelle. 
« Au mois d’octobre 1833, il s’est passé, près d’Autun, un évènement digne de figurer dans les annales de chasses, tant par la vigueur, la souplesse et le courage du cheval, que par l’habileté, le sang-froid et la hardiesse du cavalier.
Un accident de chasse comme tant d'autres penseront certains…
L’Argonne, pays de contrastes, marquait, jusqu’au traité de Cateau-Cambrésis, signé le 3 avril 1559, la frontière entre le royaume de France et l’évêché de Verdun. Rattaché à la couronne depuis cette date, ce n’est qu’en 1648 que le traité de Westphalie confortait la souveraineté de la France sur cet évêché. La Biesme était la frontière entre les deux entités territoriales, qui sont aujourd’hui les départements de la Meuse et de la Marne, appartenant respectivement à la Lorraine et à la Champagne Ardenne. Dans cette région cloisonnée et qui a manqué d’unité pour les raisons historiques que l’on connaît, la spécificité régionale n’existe pas. Au contraire, protégés par leur immense forêt et un relief difficile, les descendants des Verodunenses, longtemps sous le joug de petites puissances féodales, ont toujours jalousement cultivé cette particularité qui leur a forgé un caractère farouchement indépendant et passionné. De ce côté-ci de l’Argonne, on regarde vers l’est, de l’autre vers l’ouest, ce qui fait que les Argonnais de Meuse n’ont rien de commun avec les Argonnais de la Marne. Chasser le sanglier en Argonne permet donc de rencontrer de fortes personnalités, comme celles qui composaient cette équipe de copains, qui chassaient à l’ombre de la butte de Vauquois à la fin du vingtième siècle. Outre leurs origines, ils ont en commun leur incontournable Remington 280 équipée du fameux chargeur meusien. Alors que les armes semi automatiques sont réglementairement limitées à deux coups dans le chargeur et une dans la chambre, on équipe ici les carabines de chargeurs acceptant cinq et même huit cartouches, achetés au Luxembourg tout proche. Heureusement pour la morale, ces armes redoutables, certainement trop lubrifiées par les aiguilles de sapins, s’enrayent régulièrement…
Nord-est de la France, dans une de ces régions où les forts sont encore le témoignage d’un passé guerrier… Nous sommes dans les années 1950. A cette époque, la plupart des chiens s’appelaient Médor, Black ou Nénesse, petit nom dont on ne sait toujours pas s’il s’agit du diminutif d’Ernest ou d’un véritable patronyme inventé entre deux aboiements. Toujours est-il que, ce soir-là, un dimanche de fermeture générale de la chasse, qui se situait à l’époque vers la mi-janvier, Pierre rappelait son chien. Régulièrement, de longs coups de pibole fendaient la nuit, allaient s’écraser contre la lisière du bois avant de revenir en un écho modulé, que les nuages bas et menaçant de neige transformaient en une longue plainte. Et le temps passait permettant au jour de disparaître au profit d’une longue nuit qui allait prendre sa place. Puis, comme dans un mirage, tout s’effaça soudain. Le vent qui terrassait les sons s’était calmé, les bruits familiers du village s’étaient soudainement faits discrets. Ne restait que cette lointaine lamentation qui semblait venir du fort de D…, distant d’un bon kilomètre.