Foin et betteraves fourragères…

Sur le fond, l’affouragement a de farouches opposants, mais aussi de solides partisans. Les premiers argumentent en faisant valoir le fait que nourrir artificiellement la faune sauvage est complètement contraire à toute sélection naturelle, elle-même devenant alors un facteur de régulation des effectifs. C’est notamment le cas en montagne où l’hiver, comme en 2013, peut entraîner une régression plus que significative des populations. Quant aux partisans de l’affourragement, ils pensent, à contrario, qu’aussi faibles soient-elles, les populations en manque de nourriture exercent une pression d’autant plus forte sur la végétation, ce qui est notamment le cas du cerf qui écorce davantage certains peuplements forestiers. Pour ce dernier, l’affouragement peut donc avoir, selon sa nature, des effets radicalement opposés. S’il est pratiqué avec du foin sec, l’apport de nourriture tend à augmenter le déficit en eau des animaux et les inciter à se venger sur l’écorce de certains arbres. Et s’il est pratiqué avec des betteraves fourragères qui apportent une masse d’eau importante, la distribution se fera à intervalles rapprochés, notamment quand les températures sont basses.

 

Les plantes sauvages récoltées

L’affouragement peut également se faire à partir des ressources locales comme les ronces ou le lierre. Fauchées au mois d’août en sève descendante, les ronces, stockées en grange dans un état semi-vert, seront distribuées pendant l’hiver. Bien sûr, ce travail est fastidieux, mais il donne d’excellents résultats. Les anciens agriculteurs profitaient jadis des mois d’été pour faire de petits fagots de branches de frênes afin de les distribuer pendant l’hiver à leurs chèvres, à leurs moutons, voire à leurs lapins. Cependant, l’affouragement pose avec acuité le problème des grands prédateurs. En effet, la concentration d’un nombre parfois important d’ongulés, devient un espace de prédation parfait pour le loup et, à un degré moindre, pour le lynx. Des espèces très fragiles en hiver, comme le mouflon, paient parfois un lourd tribut aux attaques du chien sauvage sur les places d’affouragement. Quant au lien entre les trophées et l’affouragement, notamment pour le chevreuil qui refait en hiver, la réponse est donnée par les travaux entrepris par le duc et de la duchesse de Bavière. Publiés dans leur ouvrage « A Propos du Chevreuil » paru en 1983, les résultats de leur étude, menée sur vingt ans, montrent que durant cette période, le poids moyen des trophées est passé de 250 à 380 grammes. La progression est certes intéressante, mais que reste-t-il de la corrélation entre l’animal et son biotope ? En transférant la réglementation de l’affouragement aux schémas départementaux de gestion cynégétique, le législateur a voulu tenir compte de la très grande disparité des contingences propres à chaque département. Néanmoins, le fait d’avoir déplacé cette problématique vers chaque département n’a pas pour autant atténué les débats, qui restent parfois vifs entre les opposants et les partisans de cette pratique.

 

Le cadre légal

L’article L 425-5 du Code de l’environnement stipule que « L'agrainage et l'affouragement sont autorisés dans des conditions définies par le schéma départemental de gestion cynégétique ». La loi reste donc relativement vague, quant à la définition même de l’affouragement, précision que le législateur a laissé à la charge de chaque département. Ce qui est tout à fait logique compte tenu de la diversité qu’il peut y avoir entre eux. Quant au « non-respect » des dispositions relatives à l’affouragement, il est prévu par l’article R 428-17-1 du Code de l’environnement qui précise : « Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe le fait de contrevenir aux prescriptions du schéma départemental de gestion cynégétique relatives : 1° A l'agrainage et à l'affouragement… »