Inspirée des thèses du Docteur Francis Roucher et du modèle initié sur le domaine du Bois Landry en France, la gestion du chevreuil privilégie actuellement un prélèvement quantitatif important, mais… aléatoire, la finalité étant d’obtenir à moyen terme, un cheptel sain avec de beaux animaux, et notamment de beaux chevrillards, et des femelles au maximum de leur succès reproducteur. C’est aussi dans ce cadre que Jean-Louis Menne met en œuvre le concept de traque-affût afin de gagner en efficacité sur le prélèvement chevreuil, mais aussi sanglier, dont les incursions dans les cultures environnantes restent fréquentes. Le 11 novembre dernier, convié avec courtoisie par le propriétaire, nous avons pu suivre la traque-affût de l’ouverture sur le territoire de la Sapinière.

 

30 chasseurs postés, une seule enceinte et… radio obligatoire !

Ici, pas de « rond du matin », puisque l’organisation de la journée a été pensée, rédigée et envoyée par mail à chacun des participants, invités pour l’occasion. Le document précise notamment l’heure et l’endroit du rendez-vous, les consignes de tir, les conditions d’accès aux postes, la fréquence utilisée pour la radio, la conduite à tenir pour la vérification des tirs, et bien évidemment les consignes relatives à la sécurité. Est joint également un plan de situation sur lequel figurent les emplacements de parking et de miradors, le schéma du parcours effectué par chacune des trois équipes de rabatteurs, lesquelles évoluent en silence et sans chien, la liste des participants, et une fiche d’évaluation à renseigner, précisant les animaux observés, tirés, tués, et présumé manqués. En forêt, le sous-étage de végétation limitant bien souvent la vue de proximité, ce sont des miradors bas qui ont été érigés aux endroits jugés les plus favorables au passage des animaux. Le tir, recommandé en position assise, et sur des animaux à l’arrêt ou stoppés par un coup de sifflet, est limité à 40 m au maximum. Un siège rotatif est confié à chaque chasseur afin de pouvoir, si nécessaire, faire une rotation sans se lever, et sans bruit. Une seule balle est autorisée par animal, sauf bien évidemment à doubler le tir en cas de blessure. Sur quelques postes, des balises de couleur rouge fluo, indiquent les directions où le tir est interdit et tout animal tué est signalé, selon le cas, par sms ou par appel téléphonique.

 

Un placement progressif, sous contrôle radio…

Au cœur de la manœuvre, Jean-Louis Menne contrôle par radio le placement des chasseurs. La moitié d’entre eux a été convié à la « Maison Blanche » à Hemptinne les Florennes, où Olivier Hachez les accueille et assure leur dispersion vers les parkings qui leur sont affectés, selon leurs numéros de poste, attribués à l’avance par tirage au sort. Huit emplacements de parking numérotés de 1 à 8 accueillent chacun 3 à 4 chasseurs placés sous la responsabilité d’un chef de groupe, lequel indique à chaque chasseur la bonne direction à prendre pour gagner son poste, par un sentier balisé en bleu. Bien évidemment, le dispatching est progressif, et tient compte des animaux qui peuvent se mettre sur pied lors des déplacements. A 10h30, quand tous les postés ont signalé qu’ils étaient bien en place, le début de la traque est sonné, et confirmé par un court message d’accueil de Jean-Louis Menne, qui leur souhaite de placer de « bonnes balles ».

 

Au cœur de la traque…

Jean-Louis Menne conduit un des trois groupes de traqueurs, et en tant qu’accompagnant, je vais donc me retrouver plongé dans le cœur du dispositif… Le terrain est pratiquement sans relief, et les boisements que nous parcourons doucement et sans bruit, constitués principalement de taillis sous futaie, sont assez faciles à traquer. La ronce y est bien présente, et les fourrés comme les taches de fougères, cachent certainement des chevreuils, peut-être des sangliers. Un coup de carabine claque et l’information circule aussitôt : c’est Marc Huart, le conducteur agréé de l’ABUCS (Association belge pour l’utilisation du chien sang) affecté au territoire, qui vient de tuer un chevrillard. Nous continuons notre progression pour arriver à un premier layon à partir duquel on se réaligne. Plusieurs chevreuils sont levés, et des coups de feu espacés résonnent dans différents endroits de l’enceinte qui sera battue durant une heure environ. Puis nous nous regroupons, pour nous rendre devant une parcelle en régénération partagée en deux parties par un cloisonnement. En bordure, des boutis datant de la nuit laissent supposer que des sangliers y sont remisés. Jean-Louis Menne commande la manœuvre et lance les rabatteurs dans la partie basse de la parcelle, alors que je reste en sa compagnie dans le cloisonnement en observation. « Attention, sanglier ! ». Effectivement, un fort animal que j’estime à plus de 100 kg franchit le cloisonnement en une fraction de seconde, à 30 m de nous. Je suis le seul à l’avoir vu. D’autres bêtes noires sont levées, et les traqueurs effectuent un mouvement tournant, pour les pousser vers le cœur de forêt. Quelques coups de carabine et le silence revient. Plusieurs chevreuils seront encore levés et, lorsque les 3 coups annoncent la fin de chasse, confirmés par radio, une vingtaine de balles a été tirée.

 

Les tâches de l’après-chasse…

Au « Traque-noir », le chalet et annexe réservée au traitement des carcasses, Olivier Hachez récupère les fiches d’évaluation des chasseurs, et organise la collecte des animaux tués : 8 chevreuils sont à récupérer, ainsi que 3 sangliers dont 2 laies, sur une quinzaine de Sus Scrofa aperçus. De son côté, Marc Huart, assisté d’Atos son chien de Rouge de Bavière, se met en recherche d’un chevreuil blessé. Malheureusement, en dépit de la compétence reconnue du binôme, celui-ci ne sera pas retrouvé. En fin d’après-midi, alors que les animaux éviscérés sont présentés à l’ensemble des acteurs de cette journée de chasse, Jean-Louis Menne dresse le bilan, ponctué par les sonneries de trompe. En premier lieu, il adresse ses compliments à l’ensemble des traqueurs, puis réaffirme, avec insistance et humour, ses préoccupations de forestier, et son souhait de parvenir à une meilleure harmonie entre le cheptel sauvage et son milieu de vie. Puis, s’adressant aux chasseurs postés, il donne le résultat de leurs prélèvements : sur les 30 chasseurs invités, 13 ont pu tirer, dont 7 ont honoré la règle « 1 balle tirée = 1 animal tué ». 50 observations de chevreuils ont été comptabilisées, 19 balles ont été tirées, ce qui porte le taux de réussite à 1,7 balles par gibier tué. « On peut encore mieux faire ! » conclut Jean-Louis Menne, qui prouve là, que la traque-affût organisée de façon exemplaire, affiche un résultat très honorable, et apporte en même temps la preuve de son efficacité.