Le maillage de ce paysage, fait de petits champs, de prés, de bosquets et de vergers, n’est pas sans rappeler l’Alsace authentique d’autrefois, paradis du petit gibier et du lièvre en particulier. La poésie du panorama n’échappe pas non plus au jeune couple de chasseurs locaux, invités comme moi par Michel. Quelques voitures de chasseurs nous saluent sans s’arrêter, avant que notre ami nous rejoigne. Covid oblige, l’organisation de la journée a été soigneusement préparée en amont par le président de la société de chasse, Roland Schoeffler. Très sensible aux règles sanitaires imposées par la recrudescence de la pandémie, il a constitué un corps de onze chefs de groupe, chargés de réunir les chasseurs de leur équipe en un endroit caractéristique du massif, pour leur communiquer les consignes de tir, les emmener ensuite à leur poste, puis les récupérer en fin de chasse. Aucun rassemblement n’aura lieu au chalet du Schaeferplatz, comme c’était jusqu’à présent d’usage. Seuls s’y retrouveront les chefs de groupe, et l’équipe qui entoure le garde Jacky Piercy, pour le traitement de la venaison et le bilan de la journée…

 

Une enceinte de 300 ha en traque-affût

Cette journée de chasse collective de la mi-octobre est de tradition, dans cette société de chasse du massif de Saverne. Seuls peuvent être tirés les sangliers, exception faite des laies suitées et des laies meneuses. Ensuite, par ordre de priorité : le faon, et si on est certain de l’avoir tué, éventuellement la bichette, ou la biche si elle est âgée. Le tir du daguet est autorisé, mais seulement si ses bois ne dépassent pas la hauteur des oreilles. Quant aux chevreuils, quasi-absents du territoire en raison de la densité de l’espèce cerf, ils sont tous épargnés. Les 42 chasseurs sont répartis à proximité des coulées des animaux, postés sur des miradors de battue, ou éventuellement au sol si le terrain le permet. Pour chaque poste, le chef de groupe précise les secteurs où le tir peut s’effectuer sans danger, les parcours habituels des cervidés et des sangliers. La durée de la traque va s’étaler sur environ 3 heures et demie, et devrait se terminer vers 13h30. Les rabatteurs, au nombre d’une quinzaine, sont répartis en trois équipes, chacune ayant une zone à couvrir, soit en aller et retour, soit selon une progression en forme d’escargot, en fonction du relief.

 

Les premières menées

Sur un large parking, Michel s’est arrêté pour nous communiquer, à l’air libre et loin de la zone chassée, les diverses consignes concernant le tir et le déroulement de la journée. Puis le cortège constitué de nos trois voitures s’étire dans la montagne pendant plusieurs kilomètres. Parvenu à une intersection, j’abandonne ma voiture et après avoir mis mon masque et rassemblé mon équipement, j’embarque dans le Landcruiser de mon invitant. Nous suivons le cours d’un petit ruisseau, et au détour d’un virage, je découvre le mirador qui sera mon poste. Sa position fait que le tir peut s’effectuer environ sur 300°. Les coulées, bien marquées sont prometteuses, d’autant plus qu’à une quarantaine de mètres, se trouve un passage obligé, contraint par l’angle d’un enclos grillagé. Puis Michel m’explique la manœuvre des traqueurs. Le temps est gris, avec un léger souffle de vent, et après le traditionnel « waidmannsheil », les deux 4x4 du groupe s’éloignent, me laissant près de mon mirador que je rejoins le plus silencieusement possible, et sur lequel je m’installe confortablement. C’est très important, quand on sait que l’on se pose là pour plus de trois heures d’affût. Puis j’effectue quelques épaulés dans les zones évaluées comme les plus propices aux déplacements des animaux. Enfin, motivé et prêt, l’attente commence…

 

12 balles tirées et... 8 pièces au tableau

A peine la traque commencée, un chien donne de la voix, et la menée semble venir dans ma direction. Je m’attends à voir apparaître un animal, mais non. Le relief est trompeur, et le coup de retentit, apparemment pas très loin et en contre-haut. Puis, après un certain temps, la traque s’anime de nouveau. Plusieurs coups de carabine sont tirés dans notre secteur et peu à peu, le calme revient, laissant la place à une longue période de silence. J’aime ces moments de solitude si apaisants, qui font tout oublier des tourments de la vie, comme si le temps marquait une pause. Un pic noir lance son cri strident… annonçant un bruit dans les branchages… A la cime d’un sapin, deux oiseaux se chamaillent. A la jumelle, j’identifie deux grives draines qui mènent un combat sans merci, sans que je puisse déterminer laquelle des deux dominera l’autre. Puis, de nouveau, un coup de carabine claque dans le lointain, et un autre plus près… Quand l’heure de fin de chasse se profile, un traqueur arrive en retour vers son point de départ. Un pick-up passe sur le chemin de crête. C’est terminé ! Il est maintenant l’heure de décharger la carabine et les 3 chasseurs du groupe que nous sommes se retrouvent à mon poste. Nous n’avons rien tiré, mais je conserve néanmoins le souvenir de ces merveilleux instants de communion avec la forêt alsacienne. La journée s’arrêtera là, et chacun de prendre congé après les salutations d’usage sur le parking du Billebaum… J’accompagne cependant Michel jusqu’au rendez-vous habituel du Schaeferplatz, où le tableau est rassemblé. Il y a là 2 sangliers, 1 biche, 1 bichette et 4 faons… Huit animaux au total, sans erreur de tir, et pour un taux de réussite remarquable de 1,5 balle pour 1 animal tué, prouvant l’efficacité de ce concept de traque-affût. Un « sans faute » donc pour toute l’équipe qui entoure le président Roland Schoeffler, sur tous les plans, organisationnel, cynégétique et sanitaire.