La chasse locale et son organisation

Depuis plus de cinquante ans, la chasse locale est gérée par une ACCA, dont le président est, depuis deux ans, Frédéric Milon, qui est aussi le premier adjoint au maire de la commune, et agriculteur. Il est secondé par son père André, vice-président de l’ACCA et doyen de l’équipe, figure locale de la chasse au sanglier, et par Guillaume Latard qui assume la fonction de trésorier, et Gilles Falquet celle de secrétaire. Précisons que Frédéric a été, pendant de nombreuses années, président du GIC local regroupant de nombreuses communes. La surface chassable de l’ACCA est de 750 hectares, auxquels il faut rajouter 125 hectares, loués au Conseil départemental, d’une petite partie de la forêt de Sou (3 000 ha). A noter aussi que trois chasses privées bordent le territoire de l’ACCA, forte de 35 adhérents, dont quatre « jeunes » de moins de trente ans. Concernant le petit gibier, le lièvre se porte bien mais est peu chassé et la bécasse, bien présente, à ses « aficionados ». Le plan de chasse chevreuil est triennal avec 46 attributions, et les grands cervidés s’installent (il y a trois attributions), ainsi qu’un chamois. Mais la chasse prédominante et passionnelle par excellence est celle du sanglier, chassé deux jours par semaine, de l’ouverture à fin février. Le prélèvement annuel moyen oscille, bon an, mal an, de vingt à vingt-cinq sangliers, ce qui est correct compte tenu du biotope montagnard difficile. Quelques beaux sangliers ont été prélevés il y a quelques années, et sont toujours les records du village : 131 et 125 kilos, des poids exceptionnels dans cette région. La bête noire est chassée en battue, aux chiens courants, principalement des griffons nivernais, briquets de pays et divers autres qui composent les meutes. Ici, il faut des chiens résistants, rapprocheurs et meneurs particulièrement bien gorgés. Comme les chiens, les piqueurs sont en jambes et avec du souffle, de même que les chasseurs postés qui doivent rejoindre les postes parfois éloignés dans des endroits escarpés. Le matin, on fait « les traces », puis on se retrouve pour déterminer le lieu des attaques. La chasse terminée, un repas est souvent pris en commun, dans un local doté d’une cuisine fonctionnelle, d’une cheminée et d’une réserve, propriété d’un ancien président, et mis gracieusement à disposition de l’ACCA par sa fille. Quant à la venaison, elle est partagée entre les chasseurs, sans oublier bien évidemment tous les propriétaires de la commune. Tout cela serait quasiment idyllique s’il n’y avait pas ce point noir, la présence du loup qui met à mal les populations de cervidés, les jeunes sangliers, les chevreuils et autres petits mammifères, ainsi que les animaux d’élevage qui sont aussi victimes du prédateur. Cette présence délétère inquiète beaucoup, et à juste titre les éleveurs et les chasseurs…

 

La battue du dimanche 21 janvier 2024

Pour mon séjour drômois, j’étais accueilli par mon ami Claude Pauloz, spécialiste connu et reconnu du sanglier local. Propriétaire de chiens courants d’une grande qualité, il chasse régulièrement le sanglier à Mornans. Donc ce dimanche matin, le réveil sonne à six heures trente, pour se préparer, déjeuner et partir à Mornans situé à une petite demi-heure de chez Claude. Nous sommes attendus par les chasseurs, on fait connaissance, on prend un autre café, puis c’est le départ pour faire « les traces », à huit heures trente avec le président et son chien de pied. Un peu plus d’une heure de marche, il fait froid, il a gelé, mais il va faire beau. Rien de bien significatif pendant notre périple, mais la sonnerie du portable du président retentit, car des traces fraiches sont repérées dans la plaine et il faut aller contrôler, ce que nous faisons. Et, en effet, une compagnie a laissé de nombreux boutis frais en bordure d’un semis. De retour au local, après concertation entre les piqueurs et les responsables, nous attaquerons sur les traces de cette compagnie au lieu-dit « les Pignes », un tènement d’environ 200 hectares. La battue comprend vingt participants, quatorze postés et six piqueurs. Le carnet de battue est renseigné, les consignes de sécurité édictées par le président, puis les postes attribués. Nous partons ensuite nous placer. Je serai sur un mirador, en bordure d’un bois et d’une prairie. A dix heures quarante-cinq, les chiens courants sont découplés et empaument immédiatement sur les traces de la nuit. Mais au bout d’un quart d’heure, ils abandonnent la voie pour prendre, celle plus fraiche, de chevreuils qui seront vus, ainsi qu’un renard. Repris rapidement et remis à la voie, le rapproché durera encore un bon quart d’heure avant un tonitruant lancer. La compagnie, sous la pression des chiens, éclate et il s’ensuit trois menées différentes. Plusieurs coups de feu claquent, et une menée vigoureuse se dirige vers moi. Elle se terminera par la mort d’une bête rousse. Une autre chasse sur un beau ragot, prendra le chemin de la montagne proche et des barres rocheuses, ce qui permettra au sanglier de sauver sa « couenne ». Une partie des courants récupérés sera remise à la bauge des bêtes noires où une autre chasse se formera et passera à proximité de mon poste. Un second sanglier y laissera sa vie. Enfin, après ces moments de riche animation sonore, vers treize heures quinze, la fin de battue est sonnée. Les derniers chiens seront récupérés à quatorze heures et, de retour au local de chasse, les participants en feront le compte rendu avec force et nombreux détails. Le repas, de qualité, préparé par un chasseur était une fricassée de sanglier, assaisonnée d’anecdotes aussi croustillantes que le pain du matin, et les mets appréciés comme il se doit. Puis, après ces agapes gourmandes nous procéderons au traitement de la venaison. Et là, pour clôturer cette superbe journée, j’ai admiré longuement le point de vue magnifique sur les montagnes, la vallée et le Mont Gerbier des Joncs, en devisant longuement avec André Milon, le doyen de l’équipe, heureux de me parler de son pays. J’ai passé une belle journée parmi les chasseurs de l’ACCA de Mornans, fiers de leur passion pour la « bête noire » et qui font honneur à la chasse au sanglier.